Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/62

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art qui déconcertent l’explorateur. C’est, par exemple, toute une architecture grandiose et admirablement étudiée, comme celle des Kmers de la Basse Cochinchine, comme celle dont nous parcourrons quelques restes absolument fantastiques, invraisemblables, avec des escaliers donnant accès à des demeures dignes des légendes de génies et de fées, escaliers dont chaque marche à mille mètres détendue, et dont la longueur totale, pour arriver à la porte, est de deux lieues (un escalier de deux lieues !), des maisons dont chaque pierre a de deux cents à cinq cents mètres carrés de dimension, et dont trois cents mètres de profondeur fouillée n’ont pas encore pu faire trouver le fond ni les assises !… Que sont les pyramides d’Égypte à côté de cela ! et comme on comprend bien que ces gens-là aient pu projeter et tenter la tour de Babel !…

Je demande pardon au lecteur de cette digression. Elle était nécessaire, pour me permettre de poser cette question, après tous les explorateurs stupéfaits, question qui n’a pas encore en sa réponse et qui ne l’aura pas de longtemps : Qui donc habitait là en ces temps si lointains ? quels étaient les géants ou les merveilleux mécaniciens de ces contrées étonnantes ? que s’est-il donc passé par là pour avoir ruiné et enfoui ces constructions qui défiaient les siècles ? quel mystère est caché au fond de ce problème indéchiffrable ?… On ne peut, certainement, pas le résoudre, ce problème ; mais on sent qu’une main toute-puissante a écrasé cet ancien monde civilisé, pesant sur lui de tout son poids.

J’étais donc descendu à terre, ainsi que je le disais, sous l’empire de ces réflexions. Il me semblait que ces contrées avaient été le théâtre d’une gigantesque révolte humaine contre Dieu, et que, objet d’une terrible malédiction céleste, elles portaient encore la marque éclatante de l’opprobre, livrées pour leur châtiment à la domination de Satan, qui en tyrannise les populations, les déprave à plaisir, en fait son jouet, et se complaît à y régner comme dieu d’une religion infernale.


L’unique hôtel de Pointe-de-Galle est bien connu des voyageurs, qui vont s’y reposer de la mer, pendant les quelques heures d’escale. Au cours de ces passages de bateaux anglais ou français qui s’y arrêtent, très nombreux, d’ailleurs, la petite place, ou plutôt la route qui passe devant l’hôtel, est envahie par des marchands de toute espèce, vendeurs de saphirs, de bibelots, importuns, enveloppants, vous prenant de force, s’introduisant dans votre chambre, vous relançant partout, sans compter les bateleurs, jongleurs et charmeurs de serpents.

Ces bateleurs sont les bohêmes de l’Inde : ils vivent en tribus errantes, se livrant à leurs jongleries, disparaissant par intervalle, puis reparaissant. Ils sont vêtus d’un simple morceau d’étoffe, qui pend à leur cein-