Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/681

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fense, pour peu qu’elle ait quelque chose qui ressemble à un système nerveux.

Il y a loin de là, certes, à nos mesquines crises européennes, à notre hystérie de famille ; et comme ce qui nous parait chez nous si énorme devient petit par la comparaison !… Qui donc maintenant sera tenté de considérer comme possédé un malheureux Parisien qui aura eu quelques accès d’hystérie ? et comme on va bien saisir tout à l’heure la différence entre ce qui n’est au fond que jonglerie du système nerveux humain en délire, et les faits, plus modestes en apparence dans leur expression phénoménale, où il n’y a que peu ou pas de système nerveux en jeu, mais où en revanche le diable se met de la partie, c’est-à-dire l’opposition qui existe entre l’hystérique d’un côté et le démoniaque de l’autre.

Mais voici le grand jour venu. C’est aujourd’hui que la vraie fête, le Rath-Jatra va se célébrer.

Somme toute, elle est bien simple et consiste tout bonnement en la sortie de chars surmontés par les trois idoles : Djagghernaath et ses deux acolytes, Bala-Rama et Sita, la sœur de Vichnou. Mais on va voir comment, l’hystérie aidant, la chose devient monstrueuse.

La cérémonie commence à midi. Sur l’immense étendue des plaines de terre et de la mer, pas une tache d’ombre ; le soleil presque perpendiculaire n’en fait pas ; les gens ont les pieds dans le petit rond qu’ils forment sous eux. Il règne un silence profond. C’est encore la catalepsie.

Mais voici que tout à coup les portes du temple se sont ouvertes comme d’elles-mêmes, poussées par les mains invisibles de gens cachés derrière ; et, à travers l’obscurité profonde et le froid de caverne, le soleil entre à torrents, en une grande coulée de lumière et de chaleur. Aussitôt les profondeurs se sont illuminées ; une lueur bleuâtre, tremblotante, y scintille à présent, faisant danser les arêtes des objets qu’elle irise ; la coulée d’air, qui s’est formée du chaud au froid, se colore et se voit.

À travers ce nimbe transparent, maintenant l’idole apparaît, le dieu pour lequel près de deux millions d’hommes sont accourus.

L’idole, grossièrement taillée, est en bois, peint en rouge, tandis que le visage l’est en noir ; les sept bras du monstre divinisé sont dorés ; la bouche est ouverte et couleur de sang ; des pierres précieuses figurent les yeux. Couverte de vêtements somptueux, la statue est assise sur un trône, entre les deux autres, peintes en jaune et en blanc.

Déjà tout est prêt : les idoles ne sont plus sur les piédestaux monumentaux qui les supportent d’habitude ; mais elles ont été hissées sur trois chars énormes, hors de toutes proportions, composés de solides madriers cloués, enchevêtrés, peints en vert, et ornés d’arabesques étincelantes de toute nature. Les planchers reposent sur des roues mo-