Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/714

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ment luciférienne, voilà ce qui confond l’imagination ; et pourtant, cela est. Mais aussi, comme cela trahit bien et constate le caprice désordonné, l’incohérence de l’esprit des ténèbres : l’indépendance d’une sœur maçonne, sous la protection directe du diable !…


En somme, Diana Vaughan est une physionomie des plus originales, au milieu de l’occultisme contemporain. Mi-française, mi-américaine, elle est parisienne de naissance, voyage beaucoup, comme toutes les inspectrices générales de la haute maçonnerie, vient souvent dans notre capitale, et réside aux États-Unis, en domicile attitré. Elle a pour père un yankee protestant, du Kentucky, et pour mère, une française également protestante, originaire des Cévennes. Elle a un an de moins que Mlle  Walder, son ennemie personnelle.

Ce père et cette mère détestaient cordialement le catholicisme, et l’éducation de la jeune fille s’est, comme on le comprend sans peine, ressentie de cette animosité farouche. Si je suis bien renseigné, Diana était dans sa quatorzième année, lorsque sa mère mourut au Kentucky, où le F∴ Vaughan, possesseur d’importantes propriétés rurales, se livrait alors en grand à l’élevage du bétail ; la proximité du grand marché de Louisville lui offrait un débouché fort productif.

Vaughan s’affilia au Palladisme, peu après la création de ce rite souverain par Albert Pike. Il fut au nombre des fondateurs du triangle de Louisville, les Onze-Sept. Il présida lui-même à l’initiation de sa fille, comme Apprentie, en tenue ordinaire d’Adoption, en mars 1883. Un peu plus d’un an après, Diana avait reçu les grades de Compagnonne et de Maîtresse ; elle avait donc vingt ans, à l’époque où elle fut désignée pour franchir le seuil des triangles.

Dans l’intervalle, c’est-à-dire entre la première et la troisième initiations, et, si mes notes sont exactes, au jour anniversaire de la naissance de la jeune fille, un des démons de la hiérarchie supérieure, très en honneur chez les ré-théurgistes optimates, apparut inopinément dans une réunion des Onze-Sept, et se livra à leur égard à une de ces mystifications extravagantes dont les sires de l’enfer sont coutumiers, et que leurs fidèles acceptent avec une crédulité stupéfiante, eux qui se moquent de la foi des catholiques, la traitant de ridicule superstition. Oui, vraiment, lorsqu’on songe aux absurdités que le diable débite à ses suppôts, et quand on réfléchit que ceux-ci, d’autre part, osent plaisanter les enseignements de l’Église, si évidemment frappés du sceau de la vérité divine et de la plus sublime raison, on se demande si ces pauvres égarés ne sont pas des fous. Hélas ! il n’en est rien ; ils ne sont nullement insensés, au sens médical du mot ; ils sont des aveugles volontaires, et,