Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/715

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par conséquent, de grands coupables dans leur apparente folie, qui n’est qu’irréligion fanatique, impiété poussée aux extrêmes limites de la haine de Dieu.

Donc, ce jour-là, 28 février 1884, tandis que Hiérarques, Mages Élus et Maitresses Templières de Louisville étaient réunis en séance de cabale théurgiste au grand triangle les Onze-Sept, tandis que, pour n’en pas perdre l’habitude, ils faisaient leur prière à l’inévitable Baphomet, tout à coup la voûte du temple s’entr’ouvrit et donna passage à un génie du feu, lequel n’était autre qu’Asmodée.

L’apparition descendit avec une lenteur mesurée, et s’arrêta enfin, demeurant suspendue dans l’espace, à une légère distance du sol. Asmodée brandissait de la main droite un sabre de forme fantastique, et de la gauche tenait un objet étrange, dont la nature était difficile à reconnaître au premier coup d’œil ; on eût dit l’appendice caudal d’un fauve de forte taille.

Asmodée, s’adressant gravement à l’assistance, lui fit un récit impossible. À son dire, une terrible bataille venait d’avoir lieu, quelques instants auparavant, entre les légions de Lucifer et celles d’Adonaï ; on s’était battu avec un acharnement réciproque, et la victoire n’était demeurée acquise à aucune des deux armées, qui s’étaient retirées l’une et l’autre après avoir échangé des millions d’estocades. Dans la lutte, l’esprit luciférien Nysrock, « daimon du second ordre », avait perdu sa casserole ; mais, par contre, lui, Asmodée, en cherchant à atteindre l’esprit adonaïte Marc, avait tranché la queue du lion qui sert de monture à ce maleach ; et c’est pourquoi il apportait, ajouta-t-il, ce glorieux trophée au triangle de Louisville, pour lequel il avait une prédilection toute particulière.

— De ce jour, dit Asmodée en concluant, ce temple me sera spécialement consacré. Cette dépouille de l’ennemi est le gage de mon amitié envers les Onze-Sept. Conservez précieusement cette queue du lion adonaïte. Afin qu’elle ne puisse jamais aller rejoindre le corps dont je l’ai séparée, j’ai placé en elle Bengabo, un de mes légionnaires. Il demeurera ici dans l’immobilité, jusqu’au jour où j’aurai à intervenir pour marquer ma faveur toute-puissante à une vestale que je vous destine.

Après quoi, majestueux et solennel, Asmodée déposa, sur l’autel, aux pieds du Baphomet, l’objet qu’il venait d’apporter ; puis, il disparut.

Frères et sœurs du grand triangle les Onze-Sept s’approchèrent les uns après les autres, mus par la curiosité, tâtant d’abord avec méfiance le singulier cadeau de l’esprit du feu, puis s’enhardissant. C’était, en réalité, une énorme queue de lion ; mais elle n’avait pas la rigidité cadavérique ; quoique inerte, elle était flexible. En outre, elle avait un poids qui