Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/726

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Notez bien que je n’ai provoqué nullement les récits de ce genre, — loin de là ! — sans quoi j’en aurais reçu évidemment de tous les points du globe, tant l’obsession est une chose fréquente, quotidienne, de chaque instant, et sous les formes les plus variées.

« Le fait que voici date de huit ou dix ans, m’écrit mon honorable correspondant, excellent catholique ; il s’est passé à quelques kilomètres de chez moi ; l’homme qui me l’a raconté y a été témoin et acteur. Ce n’est point un cerveau sous l’empire des superstitions ; bien au contraire, c’est une de ces natures à la fois énergiques et abruptes, incrédules surtout, n’ayant cru ni à Dieu ni à diable jusque-là, grondent chaque dimanche quand il voyait sa femme partir pour la messe, et de plus, ancien soldat ayant pris part à la guerre de Crimée, ayant fait le siège de Sébastopol, bref, un dur-à-cuire qui n’avait, m’a-t-il dit, jamais eu peur de sa vie.

« Il me raconta son aventure en ces termes :

« Un soir, c’était en été, j’avais du foin par terre ; dans la nuit, il se leva un orage ; inquiet pour mon foin, je fais lever mon beau-père et ma belle-mère. Nous partons ; il pleuvait à verse, il faisait noir, on ne voyait que par les éclairs, il tonnait.

« Mon beau-père et ma belle-mère paraissaient accablés par la pluie. Je leur dis :

« — Eh bien, puisque c’est ainsi, retournez-vous-en ; je me charge tout seul de l’ouvrage et serai aussi tôt rendu que vous. »

« Ils s’en vont ; j’arrive dans le pré, et je me mets à me besogne. »

(Ici, fait observer mon correspondant, ce que le père J*** ne dit pas, c’est qu’il est d’un tempérament très emporté, et que la contrariété qu’il éprouvait lui faisait probablement pousser des jurons effroyables ; et cela a sans doute contribué à motiver ce qui eut lieu. J’ajoute à mon tour : il est évident que les blasphèmes, toujours agréables au démon, l’attirent, comme le fer attire la foudre.)

« À certain moment, continue notre homme, j’aperçus derrière moi comme quelqu’un qui serait accroupi ; je crus que c’était mon beau-père.

« — Qu’est-ce que vous fichez ici, beau-père ? que je lui dis. Je vous ai dit de vous en aller ; pourquoi restez-vous là, à attraper cette pluie ? »

« Ça ne bougeait pas ni ne me répondait.

« — Mais retournez-vous-en donc, encore une fois ! fis-je ; puisque je ferai seul l’ouvrage, allez-vous-en ! »

« Silence encore… Enfin, d’impatience :

« — C’est-il vous ou ce n’est-il pas vous, beau-père, qui êtes là ?… Si c’est vous, parlez, sacrebleu ! »

« À ces mots, ça se lève, et il vient se poser devant moi une forme