Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/787

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m’en tenir sur son compte ; car, lors de mon second voyage à Charleston, j’ai copié plusieurs des livres infernaux qui sont aux archives du Suprême Directoire Dogmatique, parmi lesquels un curieux registre où figure toute la hiérarchie diabolique, telle que Satan l’a fait connaître à son vicaire.

J’ai donc pu donner quelques indications précieuses à l’éminent exorciste qui me faisait l’honneur de me consulter. C’est ainsi que je lui fis savoir que Cerbère s’intitule « marquis de l’enfer », qu’il est inscrit comme commandant à dix-neuf légions, soit 2 à 128,654 diables subalternes, et qu’il apparaît d’ordinaire sous la forme d’un chien, à une tête (et non à trois, comme on se l’imagine), ladite tête pourvue d’une barbe humaine noire et coiffée d’un bonnet pointu. J’indiquai aussi, pour le cas où le fait eût été ignoré de mon correspondant, qu’on pouvait surprendre ce démon, en lui parlant d’une certaine Marie Martin avec qui il avait eu des relations.

Mes renseignements ne furent pas superflus ; car bientôt ce méchant et puissant démon se laissa surprendre le secret de son identité : c’était bien Cerbère.

Depuis lors, Cerbère s’est enfui de la ville où il avait établi sa résidence, dans le corps de la malheureuse possédée dont il est ici question.

Mon honorable correspondant, dans la même lettre, me parlait encore de Lucifer lui-même, à qui il pensait avoir eu affaire en une autre circonstance. Il me demandait, notamment, si l’archange déchu continuait toujours à se manifester à Charleston ; question difficile à résoudre, attendu que, selon les termes mêmes du vénérable prêtre, « tout cela n’est pas aisé à établir, vu la facilité avec laquelle ces esprits peuvent nous tromper et se font un jeu de se faire passer les uns pour les autres ».

En effet, rien n’est plus incommode que ces constatations. Ainsi, en ce qui me concerne, c’est seulement la troisième fois que j’ai vu Athoïm-Olélath que j’ai su exactement qui il était.

« Cependant, continuait le judicieux ecclésiastique en parlant de Lucifer, je me souviens que, pendant que je cherchais à lier le prince détrôné, pour l’empêcher de rôder et d’aller perdre les âmes, il me dit en gémissant : — Que va devenir MA franc-maçonnerie ?

« C’est que, en effet, dans ce moment, la Sainte Vierge combat pour l’Église, et déjà, avouent les démons, elle a le pied levé pour écraser l’enfer. Elle se sert d’âmes saintes et victimes pour faire contrepoids aux péchés des hommes et arracher aux démons les forces qu’ils ont acquises contre l’humanité, depuis la chute de nos premiers parents.