Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/79

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— Quel âge avez-vous ? me demanda brusquement mon vieil Indien.

— Onze ans, lui répondis-je sans hésiter.

J’avais compris la question ; ma réponse était celle que doit donner tout luciférien, ainsi que Carbuccia me l’avait enseigné. La cérémonie à laquelle j’avais assisté à Ceylan m’avait donné un peu d’aplomb ; cette fois, je ne craignais plus de demeurer interloqué ; dans le cas où ma mémoire m’eût fait défaut en ce qui concerne ces dialogues de convention, je pouvais maintenant citer le spectacle auquel j’avais assisté, pour prouver que j’avais en accès chez les Fakirs.

Cependant, mon bonhomme ne s’en tint pas là ; il était luciférien pratiquant, ainsi que je l’avais deviné. Il tenait à procéder à un examen complet.

Il descendit de son pousse-pousse et s’approcha de moi.

— D’où venez-vous ? interrogea-t-il.

— De la flamme éternelle.

— Où allez-vous ?

— À la flamme éternelle.

Puis, me tutoyant tout à coup :

— Tu le connais donc, le père ?

— Je m’en fais gloire.

— Qui es-tu ?

— Mon père est celui qui peut tout ; je ne puis rien sans lui ; je ne suis que son fils adopté.

Il me tendit la main, les doigts joints, l’extrémité recourbée en crochet ; je fis de même, et nous accrochâmes nos mains.

— L’heure de ton travail ? poursuivit-il.

— Trois heures après le midi.

— Comment les portes du sanctuaire s’ouvriront-elles devant toi ?

— Quand j’aurai prononcé le mot sacré.

— Dis-le.

Baal-Zéboub.

En même temps, je tirai de ma poche mon lingam ailé, et je le lui montrai.

Il s’inclina profondément et murmura :

— Fils de mon maître, tu es mon maître.

Je lui exhibai, en outre, ma patente de Souverain Grand Maître ad Vitam, du rite de Memphis.

Tout notre dialogue avait eu lieu en français ; Ramassamipouno (etc.) parlait fort correctement cette langue.

— Je comprends maintenant, lui dis-je en manière de conclusion, pourquoi l’on vous traite de fou… Vous devez, en effet, être obligé de vous faire passer pour tel, afin d’égarer les soupçons, lorsqu’un étranger,