Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/825

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le visage même étaient le siège du mal, qui s’annonçait par un vif sentiment de froid suivi de chaleur, puis par du délire, de la prostration, de violentes douleurs à la tête et aux reins, pour continuer par des abcès subits de l’aine et de l’aisselle, pour finir enfin par la gangrène des extrémités principalement. Les auteurs du temps ajoutent que les membres devenaient noirs comme du charbon et se détachaient du corps ; puis la plaie se fermait rapidement, et les malheureux mutilés revenaient à une parfaite santé.

La famine éclate à son tour, épouvantable et terrible comme jamais. On mange les bêtes immondes et les reptiles ; on touche même à la chair des morts. Cette calamité inouïe dure trois ans. Les peuples meurent de faim en Orient, en Gréce, en Italie, en France, en Angleterre.

Durant trois années, la pluie tombe avec tant d’abondance et de continuité, qu’il n’est plus possible de semer ou de moissonner. On sème du blé, du mais, du riz, de l’orge, de la graine de carottes, d’épinards, des haricots, des petits pois, en un mot, tout ce qui est nécessaire à l’alimentation ; c’est de l’ivraie qui pousse, ce sont des herbes de marécages. Dans les localités où le diable agit le moins vigoureusement contre l’humanité, une mesure de blé jetée en terre rapporte à peine une poignée de grains. Les riches et les bourgeois affamés pâtirent comme les pauvres.

Quand on eut mangé les bêtes et les oiseaux, les herbes des ruisseaux, les racines des arbres, l’argile mêlée au son, on s’en prit aux cadavres ; mais c’était en vain, la faim de plus en plus dévorante ne trouvait pas à se satisfaire.

Le voyageur était assailli sur le chemin par des cannibales ; les misérables, qui fuyaient leur province, croyant trouver ailleurs de quoi vivre, étaient, s’ils demandaient abri dans quelque maison isolée, assassinés la nuit par leurs hôtes. Des enfants furent attirés dans les bois par l’offre d’un fruit ou d’un œuf et dévorés. Un homme apporta, au marché de Tournon, de la chair humaine, cuite et préparée comme de la viande de pourceau ; il fut arrêté, garrotté et brûlé. Un autre alla déterrer pendant la nuit cette chair qu’on avait enfouie ; il la mangea et fut brûlé à son tour.

Dans la forêt de Mâcon, près d’une église dédiée à saint Jean, perdue au fond des halliers, un assassin avait construit une cabane où il égorgeait les pèlerins. Un jour, un voyageur, accompagné de sa femme, entre dans la cabane pour s’y reposer ; il aperçoit, dans un coin, des têtes d’hommes, de femmes et d’enfants ; il se lève pour fuir, mais l’hôte l’arrête et veut le tuer. La crainte de la mort double alors les forces du malheureux ; il se sauve, avec sa femme, et dénonce sa découverte au