Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/824

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Théophile passa trois jours dans la même église, à prier, à jeûner, à répandre des larmes, prosterné sur le pavé. La Mère de miséricorde lui apparut une seconde fois, avec un visage respirant la bienveillance et la joie, et lui dit : « Le Seigneur a reçu tes larmes et a exaucé tes prières, à cause de moi, pourvu que tu persévères dans ces sentiments jusqu’à la mort. » Théophile le promit, mais la supplia de faire en sorte qu’il récupérât cette fatale cédule d’apostasie.

Il passa dans les larmes et les prières trois autres jours, après lesquels la sainte Vierge Marie lui apparut en songe, et, à son réveil, il trouva sur sa poitrine ce funeste papier avec le sceau ; il en eut une si grande joie qu’il trembla de tous ses membres.

Le lendemain, qui était un dimanche, tout le monde étant à l’église pour la messe solennelle, Théophile, après la lecture de l’Évangile, se prosterna aux pieds de l’évêque, raconta tout haut l’histoire de sa chute et de son pardon, et remit à l’évêque l’horrible billet, qui fut lu devant tout le monde et ensuite brûlé.

Après la messe, il alla de nouveau dans l’église de la Sainte Vierge pour la remercier. Ayant pris quelque nourriture, il tomba malade, distribua tous ses biens aux pauvres, dit adieu aux frères et mourut saintement le troisième jour.

C’est de quoi son disciple et biographe, Eutychien, assure avoir été témoin oculaire (Acta Sanctorum, 4 février) ; et c’est ce que la religieuse-poète Roswith a mis en fort beaux vers latins, ainsi que Marbode, évêque de Rennes. L’histoire de saint Théophile est citée par saint Bernard, par saint Bonaventure et dans plusieurs hymnes anciens. Son authenticité est donc indiscutable.

En ce fameux dixième siècle, et de plus en plus au fur et à mesure que l’on approchait de l’an 1000, les forces de la nature furent bouleversées partout. La maladie et la famine sévirent à un degré effrayant.

C’est, par exemple, le « mal des ardents », qui brûle les membres et les détache du corps ; en une seule nuit, il a dévoré le malade.

La première apparition de ce fléau diabolique a lieu en l’année 945 ; on la voit mentionnée dans la chronique de Frodoard.

Glaber décrit une nouvelle invasion du mal en 993. La médecine se déclare impuissante à combattre cette maladie et n’en peut découvrir les causes. C’est un mal subit, absolument incompréhensible. Un feu caché se produit tout à coup dans un membre et, en vingt-quatre heures, souvent moins, le sépare du corps. Plusieurs personnes atteintes furent ainsi privées d’une partie de leurs membres.

En 994, l’horrible épidémie fauche 40,000 personnes dans l’Aquitaine, le Périgord et le Limousin. C’est de l’histoire, cela. Les bras, les pieds,