Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/830

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Ce qu’ils appelaient la viande céleste se faisait de cette manière. Ils s’assemblaient, hommes et femmes, certaines nuits, dans une maison marquée, chacun une lampe à la main, et récitaient les noms des démons, en forme de litanies, jusqu’à ce qu’ils vissent un démon descendre tout d’un coup au milieu d’eux, sous la forme d’une petite bête. Aussitôt ils éteignaient toutes les lumières, et la débauche alors se donnait libre cours, au hasard. Un enfant né dans ces circonstances était, huit jours après sa naissance, apporté au milieu d’eux, mis dans un grand feu et réduit en cendre. Ils recueillaient cette cendre et la gardaient avec autant de vénération que les chrétiens gardent le corps de Jésus-Christ pour le viatique des malades. Cette cendre, disaient-ils, avait une telle vertu, qu’il était presque impossible de convertir quiconque en avait avalé, pour peu que ce fût.

Sur les avis d’Arefaste, le roi Robert et la reine Constance se rendirent à Orléans, avec plusieurs évêques, entre autres Léothéric de Sens, et, le lendemain, on se saisit de tous les hérétiques dans la maison où ils étaient assemblés, et on les amena en l’église cathédrale de Sainte-Croix, devant le roi, les évêques et tout le clergé.

Arefaste fut amené avec eux comme prisonnier, et prenant le premier la parole, il dit au roi :

— Seigneur, je suis vassal du duc de Normandie, qui est le vôtre, et c’est sans sujet qu’on me tient enchaîné devant vous.

Le roi lui répondit :

— Dites-nous pourquoi vous êtes venu ici, afin que nous voyions s’il faut vous garder ou vous renvoyer comme innocent.

Arefaste répondit :

— Ayant ouï parler de la science et de la piété de ceux que vous voyez ici avec moi dans les fers, je suis venu en cette ville pour profiter de leurs instructions. C’est aux évêques qui sont assis avec vous à voir si, en cela, je suis coupable.

Les évêques dirent :

— Si vous nous expliquez ce que vous avez entendu de ces gens-ci touchant la religion, nous en jugerons facilement.

Arefaste répondit :

— Commandez-leur, le roi et vous, de dire eux-mêmes en votre présence ce qu’ils m’ont enseigné.

Le roi et les évêques le leur ordonnèrent ; mais les hérétiques ne voulaient point s’expliquer : ils disaient autre chose que ce qu’on leur demandait ; ils n’entraient point dans le fond de leur doctrine, et plus on les pressait, plus ils employaient d’artifices pour échapper.

Alors, Arefaste, voyant qu’ils ne cherchaient qu’à gagner du temps et à couvrir leurs erreurs de belles paroles, leur dit :