Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/851

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exerçait à Coulommiers le métier de cordonnier ; il était surnommé « le Casseur ».

En 1582, il y avait déjà quelque temps qu’on lui trouvait des allures suspectes. Lors du mariage de Jean Moureau avec Phare Fleuriot, mariage qui fut malheureux, la voix publique accuse Abel d’avoir noué l’aiguillette.

Appelé devant le lieutenant civil et criminel, Nicolas, seigneur de Quatresols, le cordonnier se troubla, fit des réponses évasives, essaya de tromper le magistrat, et ne réussit qu’à se compromettre davantage. Nicolas de Quatresols n’hésita pas à le faire mettre en état d’arrestation, et ainsi il agit sagement ; car on ne tarda pas à découvrir qu’on avait affaire à un mauvais homme, fort dangereux. Du reste, quand il se vit pris, Abel Delarue entra bientôt dans la voie des aveux.

Voici quelques extraits des procès-verbaux de ses interrogatoires ; c’est-à-dire les principaux points qui ont été acquis au procès :

Abel Delarue, dit le Casseur, avait été placé dans sa jeunesse au couvent des Cordeliers de Meaux. Là, il s’était fâché furieusement, un jour, contre Caillet, maître des novices ; il prétendit que celui-ci l’avait battu. Quoi qu’il en soit, il haïssait grandement Caillet, et il quitta le couvent, ne méditant que vengeance.

Ne sachant où aller, il invoqua le diable, le priant de lui trouver une place, ailleurs que chez des gens pieux. Un démon lui apparut alors sous la forme d’un homme d’une haute stature, le visage blême, d’un effroyable aspect, le corps sale et l’haleine puante. Ce démon, qui lui dit s’appeler maître Rigoux, avait devant l’estomac et les deux genoux des visages d’hommes, affreux à voir ; il avait, en outre, des pieds de vache. Il promit à Abel de s’occuper de lui et lui donna un rendez-vous pour le lendemain sous un arbre qui était près de Vaulcourtois.

Là, le diable Rigoux apparut encore à Delarue, et, cette fois, il le mena chez un berger de Vaulcourtois, du nom de maître Pierre. Celui-ci, qui était sorcier, prit Abel à son service.

Peu de temps après, il lui offrit de le conduire au sabbat, et Abel accepta avec empressement. Une assemblée de magiciens et de sorcières devait se tenir dans trois jours (c’était l’avant-veille de Noël).

« Maître Pierre envoya sa femme coucher hors de chez lui », raconta Delarue au tribunal ecclésiastique auquel il avait été déféré par Nicolas de Quatresols, pour être examiné ; « puis, mon patron me fit mettre au lit à sept heures du soir. Je ne dormis guère. Il avait mis au coin du feu un énorme balai de genêt, long et sans manche.

« Vers les onze heures du soir, j’entendis un grand bruit. Maître Pierre me dit que nous allions partir. Il prit de la graisse, s’en frotta les