Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/855

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enfant, fut dès lors, tout naturellement, l’un des ennemis les plus implacables de Grandier. Il était de notoriété publique que Grandier fréquentait intimement, d’autre part, une des filles d’un conseiller du roi, René de Brou, allié aux familles les plus honorables de la ville. Avant de mourir, la mère de Madeleine de Brou avait recommandé sa fille au misérable hypocrite, qui lui avait promis de veiller sur elle. Afin de faire taire les scrupules religieux de la jeune fille, Grandier imagina la plus sacrilège des comédies : une nuit, dans l’église de Saint-Pierre, devant l’autel, il célébra lui-même la cérémonie du mariage, à la fois comme prêtre et comme époux. Ce fut aussi pour calmer les remords de Madeleine de Brou qu’il composa son ouvrage Contre le célibat des prêtres, ouvrage qui fut plus tard découvert chez lui, et dont le manuscrit se trouve à Paris, à la Bibliothèque de l’Arsenal. Le fait est consigné dans les registres de Laubardemont et dans l’extrait des preuves du procès.

En 1626, les religieuses ursulines vinrent s’établir à Loudun, au nombre de huit, rue du Pâquin, dans une maison de peu d’apparence, depuis longtemps déserte, ou habitée, a-t-on dit, mais seulement plus tard, par les malins esprits. Parties de Poitiers sans provisions et sans ressources, elles durent vivre d’abord de la charité publique, manquant de pain et de linge le plus souvent. Mais bientôt la population catholique de Loudun s’intéressa à leur triste situation, et à la fin de la première année de leur séjour, leur pensionnat comptait déjà un certain nombre d’élèves. La supérieure fondatrice fut alors, en récompense de son dévouement et de ses services, nommée à un poste plus important.

La supérieure appelée à lui succéder s’appelait sœur Jeanne des Anges. Née au château de Coze, en Saintonge, en 1602, elle était fille de Louis, de Belciel et de dame Charlotte de Goumart. Elle était entrée au couvent d’ursulines récemment fondé à Poitiers, et, après un court noviciat, y avait prononcé des vœux perpétuels. Elle a laissé elle-même sur sa vie de curieux mémoires, conservés à la Bibliothèque de Tours. « Elle avait demandé avec grande instance, dit-elle dans ces mémoires, d’être une de celles qui seraient envoyées pour faire la fondation de Loudun, et y avait réussi. »

Nommée supérieure, elle parut ne s’y résigner que par esprit d’obéissance à ses supérieures qui lui « commandèrent absolument d’accepter la charge… J’en ressentis d’abord, dit-elle, un grand déplaisir et j’eusse bien voulu que ce sort fût tombé sur une autre. Ce n’est pas que je n’aimasse les charges et que je ne fusse bien aise d’être estimée nécessaire à la communauté. »

Le nombre des religieuses, de huit, fut bientôt porté à dix-sept. Sauf une seule, sœur Séraphique Archer, elles appartenaient toutes à la no-