Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/863

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pourceau, puis se seroit enfoncée dans le lit, serré les dents, et faisant aultres semblables contenances d’une personne esgarée de son sens, et qui a perdu toutes connoissances ; estoità sa droicte un religieux carme, été sa main gauche le dict Mignon, qui y a mis deux doigts, à savoir le pouce et l’index, dans la bouche de ladite supérieure, et luy a fait exorcismes et conjurations en nostre présence[1] ».

Sur la demande du bailli, Mignon lui posa diverses questions en latin :

— « Propter quam causam ingressus es in corpus hujus virginis ? » (Pourquoi es-tu entré dans le corps de cette fille ?)

— « Causa animositatis » ; répondit en latin la possédée. (Par animosité.)

— « Per quod pactum ? » (Par quel pacte ?)

— « Per flores. » (Par des fleurs.)

— « Quales ? » (Quelles fleurs ?)

— « Rosas. » (Des roses.)

— « Quis misit ? »(Qui les a envoyées ?)

— « Urbanus. » (Urbain.)

— « Dic cognomen. » (Dis son surnom.)

— « Grandier. »

— « Dic qualitatem. » (Dis sa qualité.)

— « Sacerdos. » (Prêtre)

— « Cujus ecclesiæ ? » (De quelle église ?)

— « Sancti-Petri. » (De Saint-Pierre.)

— « Qua persona attulit flores ? » (Quelle personne a apporté les fleurs ?)

— « Diabolica. » (Une personne diabolique.)

Le lendemain et les jours suivants, le bailli continua d’assister aux exorcismes en compagnie des autres officiers.

Le 31 octobre, la supérieure fut en proie à de grandes convulsions ; l’écume lui sortait de la bouche comme dans un accès de rage.

Barré se mit alors à l’exorciser, et demanda au démon de déclarer à quel moment il sortirait du corps de la possédée :

— « Cras mane. » (Demain matin), répondit le démon.

Et comme l’exorciste insistait en lui demandant pourquoi il ne sortait pas tout de suite, on n’entendit plus que des mots latins sans suite sortir de la bouche : « Pactum, sacerdos, finis… »

Après de nouvelles convulsions, elle s’apaise enfin, et dit à Barré en souriant : « — Il n’y a plus de Satan en moi. »

Urbain Grandier, se voyant personnellement mis en cause, et dénoncé

  1. Extrait des procès-verbaux originaux du bailli de Loudun.