Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/864

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comme étant dans toute cette affaire l’instrument du diable et la cause première de la possession des religieuses, eut recours alors aux amis qui lui restaient à Loudun pour essayer de détourner l’orage qui menaçait sa tête ; il porta une plainte en calomnie par devant les juges et l’évêque de Poitiers ; et l’affaire s’assoupit pour quelque temps, grâce à l’intervention du métropolitain, Mgr de Sourdis, qui faisant droit à la requête de Grandier, défendit à Mignon d’exorciser à l’avenir, et adjoignit à Barré deux autres exorcistes, les pères L’Escaye, jésuite de Poitiers, et Gau, de l’Oratoire de Tours. De plus, « défence fut faiste à tous autres de s’immiscer aux dits exorcismes sous les peynes de droict. »

Le père Surin, dans son Histoire abrégée, résume ainsi cette première période de l’histoire de la possession des Ursulines :

« Les démons firent des choses surprenantes, pendant qu’on exorcisait la prieure, comme de lever de terre la mère, de répondre en latin aux pensées secrètes. Mais ce qui étonna le plus les exorcistes, ce fut la réponse qu’ils firent en latin à la question du rituel : Quis te magus immisit ? (Quel magicien t’a envoyé ?) ils dirent : Urbanus Grandier. Ces messieurs n’avaient jamais soupçonné cet ecclésiastique d’être magicien. Ce témoignage, quoique de la part du démon, étant soutenu de la mauvaise vie de Grandier, lui fit grand tort ; de sorte qu’on mit l’affaire entre les mains des magistrats de la ville, qui, étant amis du curé, la tournèrent autant qu’ils purent en sa faveur ; mais les démons, soutenant toujours que Grandier était l’auteur de cette tragédie, le peuple, qui se trouvait à l’exorcisme, en demeura convaincu.

« La chose étant venue aux oreilles du roi, il donna ordre à M. de Laubardemont, intendant de la province, d’en prendre connaissance et de s’y comporter comme juge. Il était à Paris, quand il reçut cet ordre, et vint aussitôt à Loudun. »

La supérieure des ursulines était la parente de Laubardemont, qui devait prendre un vif intérêt à cette affaire. Il fut bientôt au courant des moindres détails, et surtout des accusations qui couraient contre le curé de Saint-Pierre. Ardent patriote et grand admirateur de Richelieu, Laubardemont ne pouvait pas rester indifférent au bruit accrédité à Loudun, que maître Urbain Grandier était l’auteur d’un libelle infâme naguère publié contre le cardinal-ministre sous ce titre : Lettre de la cordonnière de la reine-mère à M. de Baradas. Une correspondance suivie entre Urbain Grandier et une femme de Loudun, nommée Catherine Hammon, qui se trouvait au service de Marie de Médicis, ne laissait presque aucun doute sur la part qu’il avait prise à ce pamphlet contre l’illustre homme d’État, l’un de ceux qui ont contribué le plus à faire la France grande, puissante, glorieuse et prospère.