Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/888

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pièces importantes de l’histoire des possédées de Loudun, nous en citerons les principaux passages :

« Monsieur étant arrivé en cette ville de Loudun le mercredi neuvième mai de la présente année 1635, alla incontinent après voir les religieuses ursulines à la grille, où, tandis qu’il s’informait d’elles-mêmes, de leur état, sœur Agnès, qui est exorcisée ordinairement par le père Cothereau de la Compagnie de Jésus, parut un peu troublée, et fit quelques frémissements, qui marquaient la présence du premier des quatre démons qui la possèdent, nommé Asmodée ; on fut d’avis de l’exorciser tout sur l’heure, et pour cet effet on la fit venir dans la chapelle, où on ne tarda guères à voir cet Asmodée dans sa plus haute rage, secouant diverses fois la tête de la fille en avant et en arrière, et la faisant battre comme un marteau avec si grande vitesse et furie que les dents lui en claquaient, et son gosier rendait un bruit forcé et entrecoupé de ces agitations. Le visage était tout-à-fait méconnaissable, le regard furieux, la langue prodigieusement grosse, longue et pendante en bas hors la bouche, livide et sèche à tel point que le défaut d’humeur la faisait paraître comme toute velue ; puis tout-à-coup Bérith, qui est un autre démon, fit un second visage riant et agréable qui fut encore diversement changé par deux autres démons, Achaph, et Achaos, qui se produisirent l’un après l’autre. Mais enfin, commandement fait à Asmodée de demeurer ferme et aux autres de se retirer, le premier visage revint, et alors le démon, adjuré d’adorer le Saint-Sacrement, fit de grandes difficultés, et finalement obéit, prosternant le corps en terre et montrant les sentiments qu’il avait de la présence de son Dieu par des tremblements, cris, groumellements, postures et contenances tout à fait horribles, et enfin portant un pied par le derrière de la tête jusqu’au front, en sorte que les orteils touchaient quasi le nez… Quand la fille revint à soi, interrogée par Monsieur si elle se souvenait de tout ce qui s’était passé, elle dit qu’elle avait mémoire de certaines choses, et non des autres, et que pour les réponses qui avaient été faites par sa bouche, elle les avait seulement ouïes, comme si un autre les eût proférées, et est à remarquer qu’un médecin, chirurgien, et autres de la suite de Monsieur, lui touchèrent le bras, et trouvèrent son pouls égal, après toutes ces violentes secousses et agitations. »

À cette séance en succédèrent plusieurs autres, où furent exorcisées sœur Claire de Sazilly, dont le démon nommé l’Ennemi-de-la-Vierge obéissait au commandement du père Élisée, capucin ; la mère-prieure Jeanne des Anges, « sur le visage de laquelle l’un de ses démons nommé Balam se fit voir dès le commencement de l’exorcisme, puis, commandé par le père Surin, jésuite, de se retirer, céda la place à Isacaron, qui