Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/887

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gent. Baissant ensuite la main, il prit sur le pied du soleil un papier, et avec un tremblement et un respect profond le mit entre mes mains. Je le reçus à genoux, et j’y trouvai trois hosties. Je commandai au démon de les adorer ; ce qu’il lit avec un respect si admirable, que toute l’assemblée en fut touchée. »

Les succès du père Surin dans ses efforts pour faire marcher la mère Jeanne des Anges dans le chemin de la perfection eurent pour premier résultat d’exaspérer les démons qui la possédaient.

« Léviathan, leur chef, dit-il, voyant que son royaume tendait à sa ruine et que tout retomberait sur lui, me déclara une guerre ouverte. Les démons me firent alors tous les maux qu’ils m’avaient promis ; ils m’attaquèrent par des tentations d’impureté d’une manière si épouvantable, que, sans une grâce miraculeuse, je n’aurais jamais pu m’en défendre ; ils me tourmentèrent ainsi un an entier avec cette violence. Ils m’obsédèrent de telle sorte que, quand je voulais parler aux possédées, ils m’étaient de l’esprit ce que je voulais leur dire. Souvent je restais tout stupide, et lorsque je voulais me faire violence, il me prenait un mal de cœur ou de tête que je ne pouvais surmonter…

« On n’avait jamais vu que les démons possédassent un ministre de l’Église pendant les exorcismes ; mais comme je les tourmentais d’une manière nouvelle, qui les réduisait à la dernière confusion, Léviathan eut permission de Dieu de me posséder publiquement. Il commença par me tourmenter toute la semaine sainte de l’année 1635, me promettant de me faire souffrir la passion le Vendredi-Saint. En effet, ce jour même, en présence de tous les pères, de M. de Laubardemont et de quelques officiers, je me sentis un grand mal de cœur, qui aboutit à me débattre et à me tordre les membres comme un possédé, avec des transports si grands, que tous les assistants en furent effrayés. Je portais la main à la bouche pour la mordre ; je me mettais à genoux, puis je me relevais, faisant des sauts qui étonnaient tout le monde. Les pères m’exorcisèrent, et à force de conjurations firent retirer le démon… Ce qui causait de l’admiration à tout le monde, c’est que le démon quittait tout d’un coup le corps de la mère, pour entrer dans le mien ; alors la mère devenait fort paisible, et moi je devenais furieux. Cela arriva un jour que M. le duc d’Orléans, frère du roi, était à l’exorciste ; car il vit que la mère étant délivrée pour quelque temps, je fus jeté par terre, et que voulant me relever, j’y fus jeté de nouveau. »

Cette visite de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, à Loudun, à laquelle le père Surin fait allusion, donna lieu à des manifestations extraordinaires, qui sont racontées en détail dans une relation du temps, publiée avec l’attestation des exorcistes, en 1635. Comme c’est une des