Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/894

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père, se roulant avec des agitations effroyables, les embrassant à diverses fois, et pendant que le Magnificat se chantait, il a étendu les bras et les mains en les raidissant ; et la tête appuyée aux pieds dudit exorciste, sur le milieu de la marche de l’autel ; il l’a tournée en profil vers quelques-uns des spectateurs du côté de la fenêtre ; il y a fait voir une blessure en croix découlante d’un sang frais et vermeil, où la première et la seconde peau, qu’ils disent le derme et l’épiderme, étaient offensées et entr’ouvertes, et cette croix était à peu près de la même mesure qu’elle parait en cette figure.

« Mais ce n’est pas tout. Au moment où la prieure délivrée de ce diable montrait un visage si serein et si tranquille, que, nonobstant le sang qu’elle avait sur le front, les spectateurs y voyaient clairement le doigt de Dieu et chantaient le Te Deum, on entreprit Isacaron, un des autres démons de la prieure, pour le forcer à rendre compte de cette blessure, et il s’écria par trois fois avec une contenance effroyable et une joie insolente : « Je suis maître à cette heure chez moi, je suis maître. » Interrogé sur ce qu’il entendait par là, il répondit : « Le chef s’en est allé… Joseph est venu, qui l’a chassé, lui intimant de la part de Dieu qu’il n’était plus temps de résister au ministre de l’Église et qu’il en avait assez triomphé. »

Ce succès éclatant du père Surin le fit remonter, comme exorciste, dans l’opinion de ses supérieurs.

« Le père Doamlup, dit-il lui-même, et tous les pères qui avaient été présents à cet exorcisme, écrivirent au R. P. Provincial en ma faveur, afin qu’on me permît de continuer, et j’eus ordre de le faire jusqu’à ce que le R. P. Provincial eût répondu aux lettres qu’on lui avait écrites. Mais le père Provincial, prenant la chose d’une autre manière, crut que c’était la présence du père Doamlup qui avait fait sortir Léviathan. Ainsi il persista dans son sentiment ; en sorte néanmoins que ce père et moi nous continuions les exorcismes, exorcisant ensemble, le matin la sœur Lacroix, et le soir la mère des Anges. »

Le père Surin ne tarda pas à donner une nouvelle preuve de l’efficacité de ses exorcismes. Le 29 novembre 1635, à son ordre, le démon Balam sortait du corps de la prieure.

« Ce même jour, raconte le père Surin, arriva à Loudun un seigneur anglais, fils de mylord Montaigu, qui n’était pas catholique. Il avait avec lui deux gentilshommes hérétiques comme lui. Il me présenta une lettre de la part de Mgr l’archevêque de Tours, qui me priait de donner satisfaction à ce seigneur dans l’exorcisme. Je lui répondis que Dieu était