Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/928

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tribus réprouvées, le démon en fait promptement sa chose, un lieu d’habitat, comme une place d’exercice où les diables d’ordre inférieur apprennent leur métier de tourmente-chrétiens. Aussi, les petits banabacks n’accomplissent-ils jamais que des prodiges d’ordre que l’on pourrait appeler secondaire.

À l’encontre de l’enfant possédé européen, le petit banaback asiatique ne profère pas de phrases scientifiques ni de mots extraordinaires ; quelques ordures de-ci de-là, puis un gros blasphème contre le Christ et la sainte Vierge, que certainement ils ne connaissent pas, telles sont les premières marques de la prise de possession d’un de ces enfants par le diable. Mais, d’autre part, un second signe particulier s’effectue chez le possédé petit banaback avec plus d’intensité que chez les enfants de nos contrées, et sur ce point je ne saurais trop appeler l’attention des mères de famille.

De même qu’elles entendent tout à coup, comme je l’ai dit plus haut, l’enfant prononcer des phrases souvent assez longues en langues étrangères, latin ou grec surtout, et que, sans en deviner la vraie cause, elles s’étonnent de ce fait, agréablement surprises, enchantées, ravies et fières en leur for intérieur de ce qu’elles attribuent à la précocité intellectuelle du bébé chéri ; de même, il n’est pas rare que, rentrant à l’improviste dans la chambre où l’enfant s’amusait tout seul, la maman le trouve juché sur la table, sur la cheminée, sur le buffet ou sur quelque autre meuble un peu élevé, sans qu’une chaise, un escabeau ou une petite échelle pliante soit là auprès pour avoir facilité au bambin l’accès de cette hauteur.

En ces cas-là, si la mère réfléchissait une seconde, elle comprendrait qu’il est matériellement impossible que l’enfant ait accompli cette escalade à l’aide de ses seules forces ou de sa propre industrie. Le marmot est la, penaud, pleurant silencieusement ou appelant au secours, ahuri épouvanté, incapable de dire, d’expliquer ni même de comprendre comment il est parvenu là. Maman, alors, moitié effrayée du danger que bébé courrait s’il tombait de cette hauteur, moitié ravie de ce qu’elle prend pour un tour de force de sa progéniture, essuie d’abord une larme furtive, puis saisit l’enfant dans ses bras, l’embrasse, le serre contre son cœur et s’efforce de le rassurer, de le faire revenir de son effroi.

— Mais comment, dit-elle, as-tu fait pour grimper là ?

La question reste sans réponse, ou l’enfant balbutie qu’il ne sait pas.

— Tu as donc le diable au corps, petit malheureux ! ajoute quelquefois la mère, sans penser qu’elle dit juste et qu’elle a, à son insu, exprimé la vérité.

C’est, en effet, le diable qui a pris l’enfant, sans qu’il s’en doute, et l’a déposé là où on l’a trouvé.