Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/937

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hauts gémissements et soupirs. Le P. Aurélian répéta l’exorcisation, et les mêmes phénomènes se montrèrent. Jusque-là, nous n’avions eu aucun résultat ; mais notre confiance s’était accrue si grandement, que nous avions l’espérance de chasser l’esprit impur. L’après-midi, à 2 heures, le P. Aurelian, en présence du P. Remigius et des témoins sus-nommés, recommença l’exorcisation dans le chœur. Avant le commencement de la cérémonie et pendant les litanies des Saints, les mêmes scènes que dans la matinée eurent lieu. À la fin de l’exorcisation, lorsque je l’eus menacé de porter le Saint-Sacrement dans le chœur et de le forcer à adorer son maître, le diable s’écria plein de rage : « L’enfant est possédé. » Preuve évidente de la présence réelle de Jésus dans le Saint-Sacrement et preuve de la terreur que le diable a pour lui. Dans une exorcisation ultérieure, à cette demande si un seul diable possédait l’enfant, il répondit qu’ils étaient dix. Conjuré de quitter l’enfant, il répondit : « Je ne puis pas ». Au cours de toutes les autres séances d’exorcisation, l’esprit impur se tint tranquille ; il se bornait de temps en temps à me cracher au visage avec mépris. Les douleurs qu’éprouvait le démon quand je le menaçais du Saint-Sacrement, aucune plume ne peut les décrire : ses gémissements et ses soupirs déchiraient le cœur. Toujours les phénomènes déjà décrits survenaient, lors de la bénédiction avec la sainte Croix et de la prière des saints. À toutes mes questions, il ne répondait rien, mais témoignait son mépris par les crachements incessants du malade sur ma personne et sur la Croix. Ainsi, après plusieurs tentatives d’exorcisation, nous avions au moins obtenu ce résultat : le diable reconnaissait qu’il possédait l’enfant.

Le lendemain, 14 juillet, le P. Rémigius dut aller à Volfenstadt. Les PP. Angélicus et Joseph étant en mission à Bonissa, la lourde tâche incomba au seul P. Aurélian. Je l’entrepris avec une grande anxiété. Cependant, confiant dans l’assistance divine, dans le secours de la bienheureuse Vierge Marie, de tous les Anges et de tous les Saints, tranquillisé par cette pensée que j’avais entrepris une telle tâche non de moi-même mais de par les pleins pouvoirs de deux évêques, j’avais l’espoir d’obtenir un résultat heureux ; et en réalité le bon Dieu me secourut en ce jour. Après la sainte messe, à sept heures du matin, je commençai la cérémonie. Je laissai l’église ouverte. Étaient présents une grande foule de gens au milieu desquels beaucoup de pèlerins. Tous sont témoins des événements. Pendant la bénédiction avec la sainte croix, pendant les litanies des Saints, rage, fureur et crachements continuels. L’exorcisation commença. Durant la cérémonie, je plaçai sur la tête de l’enfant la sainte Croix et sur sa poitrine un petit reliquaire. Il est impossible de dépeindre la douleur que le méchant esprit devait souffrir. Le visage de l’enfant était déchirant ; sur ses traits se lisait la douleur. Dans ces conditions, je conjurai le diable presque pendant une heure. À diverses reprises, je demandai à la foule de prier avec moi ; car moi-même j’étais sur le point de désespérer. Ma prière fut enfin écoutée. Je menaçai encore le diable du Saint-Sacrement. Avec des grimaces horribles du visage, avec de hauts gémissements et avec les signes d’une vive douleur, adjuré d’abandonner l’enfant, le diable répondit : « Non. » Je l’adjurai encore de le quitter, je lui ordonnai de le faire par la force divine et au nom de la puissance que Dieu m’avait donnée. À cette demande et toujours au milieu des mêmes phénomènes, j’obtins cette réponse : « Je ne puis pas ». Pour éviter les répétitions, je ferai remarquer que l’esprit malin répondait après de longues objurgations