Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/953

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« L’expérimentateur renouvelle en notre présence les expériences qui démontrent la réalité de cette expérimentation neuro-musculaire. En pressant sur le nerf cubital, il produit la « griffe cubitale » ; une pression sur le nerf médian au pli du coude provoque l’apparition de la « griffe médiane » ; en pressant sur le nerf radial au sortir de la gouttière de l’humérus, il détermine la « griffe radiale ». Le phénomène apparaît d’une manière instantanée et permet de constater la parfaite sincérité de l’expérience. À coup sûr, cette fille plongée dans le sommeil léthargique est incapable, même éveillée et prévenue, de produire ces attitudes difficiles, de connaître les muscles qu’il faut contracter et les antagonistes qu’il faut laisser en repos, pour former la griffe cubitale, médiane, radiale…

« … Le docteur s’approche de Rosa, lui soulève les paupières, et, en découvrant ses yeux, la fait tomber en catalepsie. C’est la seconde phase du sommeil hypnotique. Dans son état cataleptique, Rosa est encore assise, mais immobile ; son regard est fixe ; ses traits ne changent pas et ne trahissent ni pensée, ni sentiment.

« Après quelques minutes d’examen, je constate l’extraordinaire souplesse de ses membres, leur légèreté, leur aptitude à conserver toutes les positions qu’il me plaît de leur donner. C’est le mannequin qui sert de modèle à l’artiste et dont les membres se prêtent à toutes les attitudes du corps humain. Et non seulement elle prend les positions que je lui donne, mais elle les garde dans une étonnante immobilité, pendant une durée de dix à quinze minutes, sans fatigue et sans les oscillations qui trahiraient facilement la simulation et la supercherie. La sensibilité générale est abolie ; les mouvements de la respiration sont lents, superficiels, intermittents. Au moyen de quelques frictions brusques, rapides, l’expérimentateur produit dans Rosa une contracture généralisée et la rigidité de tout le corps. C’est un spectacle triste et singulier. L’expérimentateur soulève Rosa en masse, tout d’une pièce, comme on ferait d’une barre de fer. Il la jette comme un pont sur deux chaises, qu’elle touche seulement par la tête et par les talons… »


M. l’abbé Méric suit ainsi toutes les phases et en donne minutieusement la description. C’est la mise en action de ce que j’ai exposé plus haut dans le chapitre de l’hystérie. Il nous montre, par le compte-rendu fidèle de ses observations, la passivité du sujet se révélant au plus haut degré, dans la rigidité générale et dans la fascination, puis l’automate devenant actif, dès qu’on imprime à ses membres un mouvement déterminé. Il décrit les expressions si variées de physionomie, qu’on obtient de Rosa, en agissant sur le sens musculaire par des attitudes provoquées et diverses, et ces expressions sont toutes en rapport avec l’attitude donnée. Ainsi, on fait agenouiller Rosa, on joint ses mains au-dessus de la tête ; aussitôt, sa figure prend une expression saisissante de ravissement, de prière, d’extase. « Quelle admirable contrefaçon de l’extase ! » écrit M. l’abbé Méric. J’ajoute que le mot ne saurait être plus juste, et il me permet de faire bien saisir la réalité de ce qui se passe. C’est, en effet, une contrefaçon ; car Rosa, étant en catalepsie, n’est donc nulle-