Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/954

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ment ravie, elle ne prie pas, elle n’aperçoit rien dont elle puisse s’extasier. Et voilà bien l’hystérie : ce sont les muscles, les nerfs qui sont en jeu ; mais il n’y a là rien de surnaturel. Contrefaçon ; impossible de mieux dire.

Le savant ecclésiastique passe ensuite aux phénomènes du transfert. Rosa, malade hypnotisée, est frappée d’hémiléthargie et d’hémicatalepsie. Au moyen d’un aimant, on transfère, en deux minutes, d’un côté à l’autre du corps du sujet, la sensibilité, la contracture et la paralysie.

Puis, une friction au sommet de la tête fait passer Rosa de l’état cataleptique à l’état somnambulique, et M. l’abbé Méric décrit l’étrange et profonde transformation de la personne humaine sous l’influence de la suggestion et dans les ténèbres du somnambulisme. En effet, dans l’hypnose et par l’effet de la suggestion de l’hypnotiseur, le rôle des sens est profondément troublé, perverti ; l’hypnotisé ne voit plus les objets réels, il ne voit plus que les objets imaginaires évoqués par une parole de l’hypnotiseur.


« — Rosa, dit l’expérimentateur au sujet endormi, vous ne verrez plus monsieur ; il est sorti, il n’est plus là. »

« C’est moi qui suis désigné, écrit M. l’abbé Méric. Je suis seul dans le cabinet du docteur, avec l’expérimentateur et l’hypnotisée.

« Rosa, réveillée, regarde l’expérimentateur et s’entretient avec lui.

« — Regardez monsieur, dit le docteur en me désignant. — Qui, monsieur ? — Le monsieur qui était là, tout à l’heure, qui vous a parlé. — Mais il n’est plus là, il est parti. — Vous ne le voyez donc pas là, tout auprès de vous ? — Mais non ; il n’y a personne. »

« Je me place directement en face d’elle, dans l’axe de son regard ; elle ne me voit pas. Je crie dans ses oreilles ; elle ne m’entend pas. Je fais passer brusquement un papier devant ses yeux ; ils restent immobiles. Je m’approche, je lui tire les cheveux, pour provoquer une sensation douloureuse et la convaincre de ma présence ; elle continue à ne pas me voir. Il est évident que je n’existe pas pour elle. »

Après quoi, c’est l’inverse que l’expérimentateur produit par suggestion. Rosa, qui ne voit pas l’objet ou la personne frappés d’interdit par l’hypnotiseur, verra un objet qui n’existe pas ; c’est un polichinelle, qu’on lui dit être déposé là sur telle chaise, ou il n’y a rien, et elle le voit, ce polichinelle, elle en rit aux larmes ; c’est un bouquet imaginaire, qu’on lui affirme être là, tombé sur le parquet, et elle le ramasse, le respire avec complaisance, l’attache en souriant à son corsage. C’est de l’hallucination suggérée.

Même jeu pour le sens du goût. Rosa boit un verre d’eau fraîche, d’abord avec délices, parce que l’hypnotiseur lui a dit que c’est du champagne, et instantanément avec horreur, en recrachant le liquide, brusquement qualifié de vinaigre par l’expérimentateur.