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avec celle d’entre elles qui me rappelait un de mes meilleurs souvenirs !… Mais, laissons.

Le lendemain, jeudi, je devais quitter cette maison où la paix règne dans la vertu. Aucune des deux religieuses qui étaient dans la confidence n’avait tenté quelque acte de prosélytisme ; mais elles avaient prié, beaucoup prié, et moi aussi.

— Nous séparerons-nous déjà ? leur dis-je.

Elles me regardèrent, les yeux humides. L’heure de leur office allait sonner.

— Permettez-moi, repris-je, d’assister à la messe, qui est votre prière par excellence. J’y serai bien recueillie ; aucune de vos sœurs, je vous le promets, ne soupçonnera que je ne suis pas chrétienne.

Elles se consultèrent. Puis, d’elles deux, la plus en autorité me dit :

— Venez, chère enfant.

Je me jetai à son cou pour la remercier. Elle pleura ; nous pleurâmes toutes trois. Combien j’étais heureuse !…

Oh ! les inoubliables moments que j’ai passés dans la petite chapelle !… En demandant à entendre la sainte messe des catholiques romains, j’avais un but, que je ne pouvais expliquer aux bonnes religieuses : ce que j’aurais eu à leur dire leur eût causé grand chagrin, non à cause de moi, certes, mais à cause de mes ex-Frères et ex-Sœurs.

Je voulais m’agenouiller au pied de l’autel, dont le tabernacle sert de piédestal à l’image du doux Crucifié, de Celui qui a tant aimé les hommes, et je voulais, là, prosternant mon corps et élevant mon âme vers le Dieu des chrétiens, lui faire amende honorable pour tous les outrages dont les adorateurs de Satan, ce jour même, s’efforçaient de l’accabler, en essayant d’outrager le Christ par de monstrueuses folies.

La bonté des vierges de Dieu me permettait donc de pénétrer dans le sanctuaire de l’Éternel Bien.

On me plaça dans la partie de la chapelle réservée aux personnes du dehors ; j’étais mêlée aux catholiques du voisinage, qui, en cette grande fête, étaient accourus, heureux de faire leurs dévotions en ce couvent, comme en un temple privilégié. Il semble que, dans l’union avec les prières de ces saintes femmes, les prières des moins dignes montent mieux vers le ciel.

La religieuse, mon amie, — je puis bien lui donner ce titre, — m’avait prêté un livre de messe, afin qu’il me fût aisé de suivre l’office. Elle m’avait dit, en outre : « Vous n’aurez qu’à faire comme les personnes auprès de vous ; vous vous assiérez, vous vous agenouillerez ou vous vous tiendrez debout, quand elles feront ainsi. Mais surtout priez, et, de notre côté,