Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/169

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En réalité, Elias Ashmole n’était pas d’origine juive. Il n’était plus de la première jeunesse quand il se mit à étudier l’hébreu sous la direction de Salomon Frank ; c’était pour comprendre divers auteurs hermétiques, qu’il éprouva le besoin de savoir cette langue ; l’argument visant le fait d’avoir eu pour professeur un rabbin tombe donc de lui-même. Mais voici ce qui est plus décisif : Philalèthe, racontant sa liaison avec Ashmole, indique la profession de son père Simon, sellier, état que les juifs n’exerçaient pas, et il dit expressément qu’Elias avait été enfant de chœur à la cathédrale de Lichfield, sa ville natale.

Thomas Vaughan connut Elias Ashmole en 1641 ; né en 1617, celui-ci avait donc alors vingt-quatre ans, et Philalèthe était de cinq années plus âgé que lui. Grâce à la protection du baron James Pagett, Ashmole était avocat depuis 1638, époque à laquelle il épousa sa première femme, miss Eleonor Mainwaring. Or, lorsqu’il se lia avec Thomas, il venait de la perdre tout récemment, et il convoitait déjà la fortune de sa vieille parente, dont à force d’intrigues il devait finir par obtenir la main, malgré l’opposition de la famille.

Le mystère de la mort d’Eleonor Ashmole n’a jamais été élucidé. La première femme d’Elias, après une union de quatre ans, commencée en adolescence par tous deux, était dans toute la fleur de sa jeunesse et de sa beauté, robuste et non chétive, lorsqu’elle mourut subitement, sans maladie, emportée par une indisposition foudroyante. Ashmole venait d’être recruté pour la Rose-Croix par le capitaine George Wharton, le même dont j’ai cité le nom plus haut, qui fut un des approbateurs du rapport de Thomas Vaughan sur la corne d’or de Tondern, George Wharton et Thomas Wharton, celui-ci médecin, présentèrent Elias Ashmole à Philalèthe, à qui William Lilly et Henry Blount, par délégation de Komenski, avaient conféré les grades supérieurs, jusqu’à celui de Magister Templi inclusivement, et donné pouvoir d’initier à son tour.

« Je fus étonné, rapporte mon ancêtre, de ce que les deux Wharton me proposèrent de l’admettre (Elias) aux mystères de la Rose-Croix sans l’éprouver auparavant par les quatre grades de la Croix d’Or. Cela me paraissait imprudent, et cela ne s’accorde qu’en justifiant d’extraordinaires mérites. Mais ils insistèrent beaucoup, et Thomas Wharton me déclara que le néophyte ne nous trahirait jamais ; sans me donner d’autres explications, il m’assura qu’Elias était lié à lui par un terrible secret et qu’il le tenait tout-à-fait en son pouvoir. »

Un jour que, mon père et moi, nous feuilletions ces pages du manuscrit latin de Philalèthe, je ne pus m’empêcher d’exclamer :