Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/170

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— Ashmole avait empoisonné sa jeune femme Eleonor, et c’est de Thomas Wharton qu’il tenait le poison !…

— Ô mon enfant, qu’oses-tu dire ? répliqua aussitôt mon père.

Et Nathan Pixly (un ami de mon père), qui était présent, ajouta :

— Une telle supposition est absurde ; il n’apparaît nulle part qu’Eleonor Ashmole gênât la Fraternité des Rose-Croix… Pourquoi le docteur Wharton aurait-il aidé à la mort prématurée de cette jeune femme inoffensive ?…

Cet échange d’impressions provoqua entre nous une discussion sur ces pratiques criminelles. Mon père s’efforçait de me retenir, de m’empêcher de parler. Pixly soutenait le droit au meurtre d’un adversaire.

— En duel, oui, disais-je, dans un combat face à face, à armes égales, en risquant soi-même sa vie, soit ; par le poison, jamais !… C’est traitrise, hypocrisie et lâcheté.

— Tais-toi, fit mon père ; tu es trop jeune pour porter un jugement là-dessus… Il n’y a pas crime, quand la mort d’un adversaire nuisible est ordonnée par la légitime autorité d’un supérieur consacré à notre dieu, et peu importe alors le moyen à employer pour supprimer l’adversaire… Apprends à réfléchir, et tais-toi…

— Mon père, quelque peine qu’il m’en coûte à vous le dire, sur ce point je ne serai jamais d’accord avec vous.

Elias Ashmole fut donc initié à la Rose-Croix en 1641. Il est bon de fixer cette date ; car elle est en contradiction avec d’autres assertions, soit que le Journal d’Ashmole manque de sincérité, soit encore qu’il soit apocryphe. Ces mémoires du fameux antiquaire occultiste ne furent publiés qu’en 1717 ; ils peuvent avoir été fabriqués par quelque franc-maçon, puisque l’année de la publication est celle-là même de l’apparition officielle de la Franc-Maçonnerie. Mais alors on se demanderait pourquoi cette manœuvre au détriment de la renommée de Philalèthe. Il est donc plus probable que le Journal a vraiment Ashmole pour auteur et que celui-ci a volontairement omis ce qui pouvait fortifier la réputation de Thomas Vaughan. Il avait aussi intérêt à retarder l’époque à laquelle il fit la connaissance des Wharton ; car il est incontestable qu’il était lié à eux. Les Wharton l’avaient aidé, sans aucun doute pour moi, à le rendre veuf de sa première femme, et, ceci alors est reconnu, à lui faire épouser la seconde, la vieille et richissime dame, dont il s’appropria une grande partie des biens ; il était si étroitement lié à eux, qu’en 1652 il délivra George Wharton de la prison et le fit intendant de ses biens, ces mêmes biens qui lui avaient été acquis par son second mariage.