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L’année suivante, Thomas visite l’Italie ; ce voyage est, pour lui, un pieux pèlerinage socinien. À Udine, il voit en secret Claude Guillermet de Beauregard, plus connu sous le nom de Bérigard le Pisan, et Galilœus Lynceus comme frère de la Rose-Croix. Beauregard était alors professeur de philosophie à l’université de Padoue, après avoir professé à Pise. Le grand-maître démissionnaire Cremonini, à sa mort (1631), lui avait laissé ses manuscrits.

En revenant d’Italie en Angleterre, Philalèthe s’arrêta quelque peu en France. C’est alors qu’il conçut le projet d’organiser la Franc-Maçonnerie, telle qu’elle est aujourd’hui.

Il voulait réaliser le plan de Fauste Socin, élargir l’infernale propagande, restreinte jusqu’alors aux mystérieux groupes des rose-croix. Le patriarche de Luclavie avait dit qu’il fallait agir dans l’ombre, avec un secret absolu, jusqu’au jour où l’on pourrait enrôler un plus grand nombre d’adeptes, au moyen d’une vaste association n’inspirant pas la défiance aux pouvoirs publics ; et le convent de Magdebourg avait fixé au deuxième centenaire de la révolte de Luther l’époque de cette transformation et cet agrandissement de la Rose-Croix socinienne.

Thomas Vaughan pensa que le mieux était de préparer la nouvelle évolution, sans attendre la date de 1717. On respecterait le vote du Convent des Sept, en ne manifestant publiquement qu’à la date fixée l’existence de l’association ; mais l’association elle-même, on l’aurait d’ici là ; on l’aurait, en grande partie au moins, organisée.

Comment donc s’y prendre ?… Et pourquoi, se dit Philalèthe, ne s’introduirait-on pas dans une association déjà existante, et pourquoi n’opérerait-on pas à l’abri de sa vieille réputation d’inocuité ?…

Il songea d’abord à faire servir les Compagnonnages à ses desseins.

Se trouvant à Reims, il y guérit la femme d’un chapelier, qui était Compagnon du Devoir. Cet homme se répandit en grands éloges sur le compte du mystérieux voyageur, qui exerçait « par bienfaisance » la médecine ; Thomas Vaughan ne faisait jamais payer ses soins. Les Compagnons chapeliers l’invitèrent à une de leurs réunions et lui conférèrent une sorte d’honorariat.

Philaléthe en profita pour les déterminer à modifier quelque peu le cérémonial de leurs réceptions ; les chapeliers rémois se laissèrent convaincre, il leur composa alors un rituel, basé sur une parodie de la Passion du Christ, avec une cène dont l’ensemble était une dérision de l’institution de l’auguste sacrement eucharistique : avant toute chose, dès son entrée dans l’assemblée qui le devait recevoir Compagnon, le récipiendaire avait à jurer sur l’évangile de saint Jean qu’il ne révélerait