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Toutefois, s’il fut initié à l’époque que j’indique, néanmoins on ne l’admit pas encore au conseil des chefs de la Rose-Croix pour l’Angleterre ; en effet, il n’assistait pas au conciliabule secret où fut condamné à mort un prêtre français, nommé l’abbé Bouis.

En ce temps, Amos Komenski vint à Londres, et y vit Thomas Vaughan, Henry Blount, les Wharton, John Booker, le mathématicien Oughtred, William Lilly, le docteur Hewitt et autres chefs rose-croix, mais il ne demeura pas longtemps ; il repartit bientôt et se rendit en Suède, auprès de son ami Lodewijk van Geer, que nous avons vu prenant part au convent de Magdebourg.

C’est pendant son court séjour en la capitale anglaise que Komenski présida le conciliabule auquel je viens de faire allusion.

À cette secrète réunion, on disserta en faveur des juifs kabbalistes, bons alliés contre le catholicisme, Blount signala l’abbé Bouis, prêtre d’Arles, qui venait de publier en Provence, l’année précédente, un ouvrage où, en je ne sais quel passage, les juifs étaient, paraît-il, assez malmenés. La relation n’indique pas le titre de cet ouvrage.

« Blount exposa à l’assemblée que ce prêtre des ténèbres, dans le but d’exciter la populace contre les juifs, avait fabriqué une lettre d’un souverain satrape, rabbin des rabbins, prince des Juifs à Constantinople, adressée en 1489 aux juifs d’Arles, alors menacés d’expulsion s’ils ne se convertissaient pas au catholicisme. Cette prétendue lettre conseillait aux juifs de se faire chrétiens, en gardant la foi de Moïse dans leur cœur ; d’élever leurs enfants dans la science, afin que, devenus médecins et apothicaires, ils ôtent aux chrétiens leurs vies, ou dans la théologie, afin que, devenus clercs et même chanoines, ils ruinent les églises catholiques.

« L’assemblée se montra fort irritée contre ce prêtre Bouis, et l’avis unanime fut qu’il méritait la mort. Thomas Wharton fut chargé de préparer du poison ; Komenski ordonna que justice serait faite de Bouis par un frère qu’il enverrait en France et qui prendrait le temps nécessaire pour exécuter la sentence sans compromettre la confrérie.

« On condamna aussi deux frères de Vienne, en Autriche, coupables d’avoir eu avec des étrangers une conversation sur les secrets de la Fraternité. Komenski ordonna, avec l’approbation unanime, qu’on ferait disparaître ces loquaces dangereux, et qu’on dirait qu’ils ont été supprimés par les jésuites. »

Thomas Vaughan accompagna Komenski jusqu’à Hambourg, d’où celui-ci se rendit en Suède ; Philalèthe se dirigea vers les Pays-Bas. À la Haye, il initia Martin de Vriès, le navigateur, parent de Simon de Vriès.