Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/308

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dès l’âge de trois ans, font partie de la légende mensongère que grand nombre de palladistes ajoutent souvent aux manifestations diaboliques réelles. L’anecdote bien connue des réponses données à New-York, en 1866, selon la méthode de Cagliostro, a été inventée après coup par Chambers et Philéas Walder ; j’en ai eu fortuitement la preuve, il y a deux ans, et par là Albert Pike, qui avait toléré ce mensonge, perdit beaucoup de son prestige à mes yeux.

« À notre retour aux États-Unis, continue Walder père, nous eûmes un prodige bien fait pour nous ravir de joie, à la suite d’une lecture de l’Apadno.

« Sophia avait vu, à Genève, des premières communiantes catholiques. À ses demandes d’explications, je lui avais fait connaître ce sacrement de la religion superstitieuse ; je lui dis comment eut lieu l’adoption de Jésus par Adonaï, et elle maudissait le Christ, à jamais coupable d’avoir renié son céleste ancêtre Baal-Zéboub pour participer à la divinité du Dieu-Mauvais. Longtemps, elle pleura, ce jour-là, où je lui exposai la trahison dans toute son horreur. Pendant le voyage du retour en Amérique, elle avait été triste, elle avait pleuré de nouveau avec abondance. En vain je m’efforçais de la consoler ; ses larmes ne pouvaient tarir ; et elle ne répondait plus à mes questions, si pressantes qu’elles fussent.

« Quand nous fûmes rentrés chez le F ▽ Chambers, sa tristesse nous inquiéta au plus haut point, surtout un jour où elle nous fit tout-à-coup cette étrange confidence :

« — J’aime Jésus de tout mon cœur, et je le maudis de toute mon âme. »

« Nous nous regardions, plongés dans la surprise.

« Elle ajouta :

« — Oui, j’aime Jésus, je l’ai toujours aimé, et voici que je n’ai plus le droit de l’aimer maintenant ; voici qu’il me faudrait le détester, puisque sincèrement je le maudis… La haine qui naît en moi est l’amour furieux, furieux parce qu’il est déçu. Cette trahison de Jésus a empoisonné mon âme à jamais. Hélas ! je sens bien que je serai toujours malheureuse. »

« Et elle se traînait à nos genoux, en nous disant :

« — Pardonnez-moi ! pardonnez-moi !… J’aime Jésus de tout mon cœur, et je le maudis de toute mon âme ! »

« Et puis encore, nous l’entendions crier à travers ses sanglots :

« — Oh ! j’aurais été au comble du bonheur, si Jésus n’avait pas trahi Lucifer pour Adonaï !… J’aurais aimé que notre religion