Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’arriva de m’arracher à l’examen de la question du figuier maudit, ce fut à la suite d’une pensée reportée sur la pure et sublime héroïne d’Orléans.

Est-ce à cette mystérieuse protection, insoupçonnée, que je dois la préservation d’un hymen diabolique ?… Ma confession doit être complète.

— Vous voulez, ô mon bien-aimé, lui dis-je un jour, que je m’intitule votre épouse, parce que je suis votre épouse spirituelle. J’en suis fière. Mais, pour notre mariage, pourquoi attendre que ma mission soit finie en Tellus ?

— Notre Dieu Lucifer le veut ainsi.

— Si pourtant vous l’imploriez, Asmodée, si vous lui demandiez de nous unir dès ma vie présente, il ne vous le refuserait pas ?…

Mon fiancé garda le silence.

Alors, je me fis câline, je devins plus insistante, je redoublai de tendresse, le suppliant d’obtenir de Lucifer d’avancer l’heure de notre hymen.

Il ne me répondait plus.

— Voyez, lui dis-je encore, combien votre Diana sera glorieuse, lors qu’elle pourra proclamer dans tous les Parfaits Triangles qu’elle est vraiment votre épouse… Dites, oui, dites à notre Dieu que je vous aime… Ah ! qu’il exauce ma supplication, et je serai la plus heureuse des créatures… Asmodée, je vous en conjure, obtenez que, sans plus attendre, il vous soit permis d’être mon époux.

Il me regarda d’un œil étrange et me répondit d’une voix sourde :

— La volonté supérieure le défend. Si j’étais le maître, Diana, vous seriez mon épouse depuis longtemps ; mais la volonté divine est entre vous et moi. Il m’est imposé de veiller sur vous. Ah ! Diana, Diana, croyez bien que je souffre !…

Et il disparut soudain, tandis que, pleurant, j’allais me jeter à ses genoux.

En moi-même, dans mon erreur, je trouvais trop rigoureux l’arrêt de Lucifer, et je me croyais bien malheureuse de ne pouvoir obtenir satisfaction à mon orgueil. Pour être sincère jusqu’au bout, je dois avouer que les séductions répandues sur son visage de faux ange de lumière avaient fait impression sur mon cœur. Hélas ! mon cœur pécha, commit ce crime dont aujourd’hui j’ai confusion, honte des hontes : le démon eut mon affection de jeune fille, mon cœur se donnait à lui.

Ah ! maudits soient les prestiges infernaux !… Oh ! vous qui me lisez, ne vous adonnez jamais aux œuvres de magie ; ne mettez pas votre âme dans le plus grand des périls ; que la honte d’une infortunée vous serve d’expérience ! Jamais, jamais ne faites appel aux esprits invisibles, même en croyant que telles œuvres sont jeux innocents. Fuyez jusqu’aux tentations de consulter une table ; le diable est là.

En ces temps où Asmodée avait troublé mon esprit par ses raisonnements