Nous venons de voir comment le coup avait été préparé. Arrivons au Congrès de Trente. Sur ce qui s’est passé, les renseignements abondent : indépendamment d’un rapport complet que j’ai eu, plusieurs congressistes amis, même des amis inconnus, m’ont envoyé des notes personnelles et des coupures de journaux ; j’ai pu contrôler ainsi les relations des uns par celles des autres, et j’ai la confiance que la Commission d’enquête de Rome, en lisant ces pages, n’y trouvera aucune inexactitude.
On sait par un hasard providentiel, le train même que prit le délégué du Grand Orient de France pour se rendre à Trente. Un congressiste, parti pour Zurich le 23 septembre par l’express de 8 h. 35 du soir (gare de l’Est), apprit d’un voyageur, au cours d’une conversation, qu’un franc-maçon de la rue Cadet se trouvait dans le même train ; ce voyageur avait entendu deux personnes se saluer, à Paris, à l’embarcadère, et l’une dire à l’autre : « Moi, je vais à Trente à l’occasion d’un Congrès antimaçonnique qui va s’y tenir. — Toi ? fit l’interlocuteur avec surprise ; mais… — Parfaitement, fut-il riposté, j’y vais pour la rue Cadet. » Le congressiste pria son compagnon de wagon de lui montrer ce voyageur, s’il se rappelait ses traits, quand on descendrait à Bâle pour le changement de train ; mais, ni au buffet ni sur le quai, le compagnon du congressiste ne put reconnaître son homme. D’ailleurs, il n’attachait pas aux propos entendus la même importance que le congressiste. Quand le lendemain celui-ci arriva à Trente, son premier soin fut d’informer de ce fait plusieurs membres du Comité. Un moment, on pensa que le faux-frère avait pu se glisser parmi les représentants de la presse ; mais, de ce côté, on fit fausse route : au surplus, les représentants de la presse qui n’étaient pas en outre congressistes n’avaient pas accès dans les sections. On ne s’occupa plus de l’incident, dans la pensée qu’une erreur avait pu être commise par le voyageur qui avait donné l’éveil ; mais ce fait prend une singulière valeur, aujourd’hui qu’on sait qu’un franc-maçon de la rue Cadet s’est vanté d’avoir assisté au Congrès et en a fait le compte-rendu en loge.
C’est à la IVe Section (section de l’action antimaçonnique) que le feu fut ouvert contre moi. M. le chanoine Mustel présidait la Ire Section ; le R. P. Octave et M. l’abbé de Bessonies étaient à la IIe section, dont le président fut M. Tardivel, directeur de la Vérité, de Québec (Canada). Quant à M. Léo Taxil, il s’était inscrit à la IVe Section ; mais, dès le début de la première séance, il fut élu membre de la commission spéciale, chargée de jeter les bases de l’organisation antimaçonnique universelle. L’absence de mes principaux amis fut mise à profit par trois congressistes allemands, auxquels un quatrième, allemand aussi, vint se joindre à la fin.
L’attaque était conduite par le docteur Gratzfeld, secrétaire de Mgr l’Archevêque de… Cologne !
Maintenant qu’il est certain que le docteur Bataille se trouvait à Cologne quelques jours ayant le Congrès, le rôle que jouait le docteur Gratzfetd au sein de la IVe Section est aisé à comprendre, si l’on ne perd pas vue que le délégué du Grand Orient de France, payeur de la trahison, était présent et surveillait la manœuvre.
Le docteur Gratzfeld, — tous mes correspondants sont d’accord pour