Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/47

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leurs manifestations aux adeptes du Palladisme, en radieux anges de lumière, ainsi que je les avais toujours vus, soit dans les Triangles, soit en mon particulier ; mais leurs visages étaient irrités, avec une expression de colère à son paroxysme.

Moi qui m’étais accoutumée à les voir bons pour moi, n’ayant l’aspect terrible que dans les combats contre les maléakhs, je me demandais ce que ceci signifiait. C’était du nouveau, tout-à-fait. Ils me menaçaient, pleins de rage, comme si j’avais été un ange d’Adonaï, c’est-à-dire comme ils faisaient dans leurs comédies de guerre aux soi-disant maléakhs ; mais je comprends maintenant que leur fureur contre moi n’était pas feinte.

Ils s’élancèrent sur moi. Qu’allaient-ils faire ? me battre ? me tuer ? Je ne sais. Quoi qu’il en soit, j’eus le sentiment d’un pressant danger, et je m’écriai :

— Jeanne, Jeanne, défends-moi !

Alors, il y eut une épouvantable clameur des quatre ; des lions tout-à-coup blessés n’auraient pas déchiré l’air de rugissements pareils à ceux que j’entendis. En même temps la face et la forme de ces daimons changèrent, et aussi leur expression de physionomie. Sur l’instant ils étaient devenus, tous les quatre, semblables à ces maléakhs que j’avais toujours pris pour les anges du Dieu des chrétiens : tout en gardant très reconnaissable leur visage chacun, ils étaient hideux, monstrueux ; ils avaient queue et cornes ; bref, de vrais diables. Et, par leur figure, ils se montraient maintenant terrifiés, quoique toujours en rage ; mais à leur fureur le désespoir s’était joint, et il était chez eux le sentiment dominant.

Cela avait duré tout au plus quelques secondes ; et aussitôt que je les eus bien vus en diables, ils disparurent, ils s’effondrèrent en poussant des cris de malédiction, et je me dis que je venais d’entendre là les hurlements des damnés.

Voilà le fait inattendu, et dont je suis saisie encore chaque fois que j’y songe, voilà l’événement extraordinaire qui a ouvert des horizons tout nouveaux à mon intelligence. Ceci se passait tandis que le Comité Fédéral de Londres délibérait sur mon numéro 3 du Palladium.

Quand me parvint la voûte de désaveu qui prétendait m’intimider, j’étais donc en bonne disposition pour écrire la réponse que mes lecteurs connaissent. Depuis le 6 juin, une voix secrète me disait que j’avais été trompée dès mon enfance ; je relisais les lignes que M. le chanoine Mustel m’a consacrées il y a un an, dans l’article où il me met en parallèle avec la Sophia des palladistes. Je songeais à toutes ces prières