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seulement par son associé, mais aussi par mon oncle, l’aumônier de la Charité, et par le curé de notre paroisse, lequel était un des locataires de mes parents.

Fort de ma résolution, je n’aspirai plus dès lors qu’après le jour, encore lointain, où il me serait possible de contracter un engagement militaire, qui me délivrerait trois ans avant ma majorité.

Je dressai un tableau sur lequel j’inscrivis, un à un, tous les jours qui me séparaient de mes dix-huit ans. Chaque soir, j’effaçais une des dates de mon tableau, et je me couchais en disant :

— Encore 1884 jours… Encore 1183 jours… Encore 1182 jours à souffrir… Après, je serai libre, et alors, comme je me vengerai !…

Un matin, le directeur de l’établissement, étant venu me rendre visite dans ma cellule, aperçut mon tableau et me demanda ce que c’était. Je lui en donnai l’explication. Il en fut frappé, réfléchit longuement, m’interrogea de nouveau, et sortit en secouant la tête d’un air qui signifiait :

— Allons, voilà un petit bonhomme avec lequel il n’y a rien à faire.

Ma pensée est que ce directeur, très bon et