Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/133

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Vous êtes une femme très convenable, et je suis très satisfait de vous.

Anîssime sortit, ému, mais il revint et dit :

– Samorôdov m’a entraîné dans une affaire, j’y deviendrai riche ou je me perdrai. S’il arrivait quelque chose, maman, vous consolerez mon père.

– Allons donc, il n’y aura rien ! Ah la la !… Dieu est miséricordieux. Mais vois-tu, Anîssime, tu devrais un peu caresser ta femme ; vous vous regardez comme si vous boudiez ; vous devriez au moins vous sourire.

– Aussi, comme elle est bizarre ! dit Anîssime en soupirant. Elle ne comprend rien et ne dit jamais rien. Elle est très jeune. Laissons-la grandir…

Un grand étalon blanc, très gras, attendait déjà devant la porte, attelé à un tilbury. Tsyboûkine monta gaillardement, s’assit et prit les rênes. Anîssime embrassa Varvâra, Akssînia et son frère. Lîpa, debout elle aussi sur la porte, immobile, regardait à côté, comme si elle ne fût pas venue pour accompagner son mari, mais pour on ne sait quoi. Anîssime s’approcha d’elle, toucha du bout de ses lèvres sa joue légèrement :

– Adieu, lui dit-il.

Elle, sans le regarder, sourit d’un air étrange. Son visage se mit à trembler, et tous, sans savoir