Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/134

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pourquoi, eurent pitié d’elle. Anîssime, d’un bond, s’assit lui aussi, et se mit les mains sur les côtés parce qu’il se croyait beau.

Quand ils furent arrivés sur la hauteur, Anîssime se retourna à tout moment pour voir le village. Le jour était chaud et clair. On sortait le bétail pour la première fois et auprès de lui marchaient des jeunes filles et des femmes, vêtues de leurs robes de fête. Un bœuf brun, heureux d’être libre, mugissait et déchirait le sol de ses pattes de devant. Partout, en haut et en bas, chantaient les alouettes. Anîssime regardait l’église, jolie, toute blanche (on venait de la reblanchir), et il se souvenait comme il y avait prié cinq jours auparavant. Il regardait l’école au toit vert, le ruisseau dans lequel il se baignait autrefois et pêchait à la ligne. Et la joie remua dans son cœur. Il aurait voulu que, soudain, une muraille sortît de terre et l’empêchât d’avancer, et qu’il pût rester avec son seul passé…

À la gare, ils approchèrent du buffet et burent un verre de xérès. Le vieux chercha sa bourse pour payer.

– Je régale ! dit Anîssime.

Son père, attendri, lui frappa sur l’épaule et, clignant des yeux, dit au buffetier : Vois un peu quel fils j’ai !

– Si tu restais travailler à la maison, Anîssime,