Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/171

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– Hier, notre vieux s’est encore couché sans manger.

Elle dit cela d’un ton indifférent, par habitude. Été et hiver, on ne sait pourquoi, Tsyboûkine porte une même pelisse de mouton. Les jours très chauds il ne sort pas. Le col relevé, les pans de sa pelisse ramenés, il se promène ordinairement dans le village, sur la route et à la gare, ou reste assis, sans bouger du matin au soir, sur un banc à la porte de l’église. Les passants le saluent, mais il ne répond pas, car il n’aime pas plus qu’autrefois les moujiks. Quand on lui demande quelque chose, il répond avec assez de politesse et de raison, mais brièvement. On dit dans le village que sa bru l’a chassé de sa propre maison, ne lui donne pas à manger, et qu’il vit d’aumônes. Les uns s’en réjouissent, les autres le plaignent.

Varvâra est devenue plus grasse et plus blanche, et continue à faire de bonnes actions ; Akssînia ne l’en empêche pas. On fait tant de confitures qu’on n’arrive pas à les manger avant la maturité des nouvelles baies ; elles se candissent et Varvâra est près de pleurer n’en sachant que faire.

On commence à oublier Anîssime. On reçut un jour une lettre de lui, écrite en vers, sur une grande feuille de papier en forme de supplique, toujours de la même magnifique écriture. Évidemment son ami Samorôdov subit une peine avec lui. Au