Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/172

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bas des vers était écrite une seule ligne d’une vilaine écriture à peine déchiffrable : « Je suis toujours malade, c’est très dur, au nom de Dieu, aidez-moi. » Un beau jour d’automne, vers le soir, Tsyboûkine était assis près de la porte de l’église, le col de sa pelisse relevé ; on ne voyait que son nez et la visière de sa casquette. À l’autre bout du banc était assis le charpentier Elizârov, et, à côté de lui, un vieillard de soixante-dix ans, édenté, le gardien de l’école, Iâkov. Iâkov et Elizârov causaient :

– Les enfants doivent nourrir les vieux… Tes père et mère honoreras, disait Iâkov avec irritation. Et, elle, la bru, l’a chassé de sa propre maison ! On ne lui donne ni à boire, ni à manger. Où peut-il aller ? Voilà trois jours qu’il n’a pas mangé.

– Trois jours ! s’étonna Béquille.

– Voilà, il reste toujours assis, sans rien dire. Il est affaibli. Pourquoi se taire ? Il devrait faire une plainte au tribunal. On ne la complimenterait pas.

– À qui a-t-on jamais fait des compliments au tribunal ? demanda Béquille… C’est égal, c’est une femme active ! Dans leur affaire, on ne peut pas agir autrement… sans faire de mal, autrement dit…

– De sa propre maison, continuait Iâkov avec irritation. Regagne ta maison ; après, tu la chasseras. C’en est une, comme elle s’est trouvée, quand on y pense !… Une pe-este !