Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/232

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sont pliés aux conditions acoustiques de la salle. Tous les motifs en sont tristes et lugubres… Les assistants glissent peu à peu à un unisson mélancolique, et méditent. Ils songent à la brièveté de la vie, à la fragilité et à la vanité des choses de ce monde… On pense au défunt, corpulent et rouge, qui buvait d’un trait une bouteille de champagne et qui brisait les glaces d’un coup de front. Quand on chante Dans le repos éternel et qu’on entend les sanglots de Lioubov Petrôvna, les invités commencent à tourner sur place, inquiètement, d’un pied sur l’autre. Les plus impressionnables sentent un chatouillement dans la gorge et sous les paupières. Le président de la commission du zemstvo, Marphoûtkine, pour refouler ces sensations désagréables, se penche à l’oreille du commissaire de police et lui souffle :

– Hier soir, je suis allé chez Ivan Fiôdoritch… Piôtre Petrôvitch et moi avons fait un grand chelem sans atout. Ah ! mes amis !… Olga Andréevna en a été si furieuse qu’une de ses fausses dents en est tombée de sa bouche !

Mais on chante le Souvenir éternel, Hélikônnski reprend les cierges respectueusement ; le service est terminé. Une minute de brouhaha s’ensuit. Changement de chasubles et Te Deum.

Après ce Te Deum, quand le père Eumène a quitté ses vêtements sacrés, les invités toussent et