Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/234

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le pâté, irrésolument. Quelque chose ne va pas. On sent, dans le bruit des fourchettes, des couteaux et des mâchoires, une certaine paresse, une certaine apathie ; il manque quelque chose.

– Je suis comme si j’avais perdu je ne sais quoi… marmotte l’un des juges à l’autre. C’est la même impression que lorsque ma femme est partie avec l’ingénieur. Je ne puis pas manger.

Marphoûtkine, avant de se décider à donner un coup de dents, cherche longtemps son mouchoir dans toutes ses poches.

– Tiens, j’ai laissé mon mouchoir dans ma pelisse ! se dit-il d’une voix retentissante, je vais le chercher.

Il va dans l’antichambre où sont pendus les manteaux. Il en revient les yeux mouillés, et il se jette aussitôt avec appétit sur le pâté.

– Est-ce que ce n’est pas dégoûtant de bâfrer comme ça à sec ? dit-il à demi-voix au père Eumène. Va dans l’antichambre, pépère ! Il y a dans ma pelisse une bouteille ; seulement prends garde de la faire sonner…

Le père Eumène se rappelle qu’il a quelque chose à dire à Loûka et il file dans l’antichambre.

– Bâtiouchka, lui dit Dvorniâguine en le suivant, deux mots en particulier.