Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/245

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tomber, autant bien tomber, à fond ! Dépêchez-vous, canaille ! Donnez-moi l’argent ! » Quelle ignominie !…

– Et vous… le lui avez donné ?… demanda Ouzélkov.

– Je lui ai donné, il m’en souvient,… dix roubles…

– Oh ! est-ce possible ! fit Ouzélkov, fronçant un peu les sourcils. Si vous ne pouviez ou ne vouliez pas le lui donner, vous auriez pu m’écrire, voyons ! Et moi qui ne savais rien ! Hein ? Je ne savais rien !

– Pourquoi vous aurais-je écrit, mon cher, quand elle vous a écrit elle-même ensuite, lorsqu’elle était à l’hôpital ?…

– Au fait, j’étais si occupé de mon nouveau mariage, j’étais dans un tel tourbillon, que je ne prenais pas garde aux lettres… Mais vous, un étranger, qui n’aviez pas d’antipathie pour elle, pourquoi ne lui avez-vous pas tendu la main ?

– Il ne faut pas mesurer les choses à l’aune d’aujourd’hui, Boris Pétrôvitch. Maintenant nous pensons d’une manière ; autrefois nous pensions d’une autre !… À présent, je lui donnerais peut-être mille roubles, et alors ses dix roubles même, je ne les lui ai pas donnés pour rien… Vilaine histoire ! Il faut oublier !… Mais nous voici arrivés.

Le traîneau s’arrêta à la porte du cimetière.