Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/65

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et moi pas. Les souffrances et les joies sont fugitives ; laissons-les de côté ; Dieu les garde ! L’important est que nous pensions ensemble. Nous nous sentons l’un et l’autre capables de penser et de raisonner ; cela nous rend solidaires comme s’il n’y avait dans nos manières de voir aucune divergence. Si vous saviez, mon ami, combien me pèsent la sottise universelle, la médiocrité et la stupidité, et quelle joie j’éprouve chaque fois que je viens causer avec vous ! Vous êtes un homme plein d’esprit et je me délecte avec vous.

Khôbotov poussa la porte et regarda dans la salle. Le docteur, et Ivan Dmîtritch, en bonnet de coton, étaient assis l’un à côté de l’autre sur le lit. L’aliéné grimaçait, frissonnait et se drapait convulsivement dans sa capote. Le docteur était immobile, tête basse, et son visage était rouge, abattu et triste. Khôbotov leva les épaules, sourit, et fit un clignement d’œil à Nikîta ; Nikîta leva lui aussi les épaules.

Le lendemain, Khôbotov revint à l’annexe, accompagné de l’aide-chirurgien. Tous deux s’arrêtèrent dans le vestibule et écoutèrent.

– Je crois que notre petit oncle est tout à fait timbré ! dit Khôbotov en sortant.

– Seigneur, ayez pitié de nous, pauvres pécheurs !… soupira le pieux Serge Serguiévitch, évitant soigneusement de salir aux flaques d’eau ses