Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/69

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– Vous nous avez tout à fait oubliés, docteur. Au reste, vous êtes un vrai moine ; vous ne jouez pas aux cartes ; vous n’aimez pas les femmes ; vous vous ennuyez avec votre prochain.

Tous se mirent à dire combien il était ennuyeux pour un honnête homme de vivre dans cette petite ville, sans théâtre, ni musique. À la dernière soirée dansante, au club, il y avait vingt dames et tout juste deux cavaliers. La jeunesse de maintenant ne danse plus ; elle se presse autour du buffet et joue aux cartes. André Efîmytch, d’une voix douce et lente, sans regarder personne, exprima combien il était regrettable, profondément regrettable, que les habitants perdissent toute leur énergie vitale, leur cœur et leur esprit, à jouer aux cartes et à commérer ; ils ne savaient, ni ne voulaient employer leur temps à la lecture ou à quelque conversation intéressante, ils ne voulaient pas goûter les jouissances que donne l’esprit. Les choses de l’esprit sont cependant seules attachantes et importent. Tout le reste est mince et bas.

Khôbotov écoutait son collègue avec une grande attention, et tout à coup il lui demanda :

– André Efîmytch, quel jour sommes-nous ?

Quand le docteur eut répondu, Khôbotov et le médecin blond, d’un air d’examinateurs qui pressentent l’ignorance de celui qu’ils interrogent, se mirent à lui demander quelle date c’était, combien il