Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/70

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y a de jours dans l’année, et s’il était exact qu’il y eût dans la salle 6 un remarquable prophète.

À cette dernière question André Efîmytch rougit et répondit :

– Oui, un malade ; mais c’est un jeune homme intéressant.

On ne lui fit aucune autre question. Dans l’antichambre, tandis qu’il mettait son pardessus, le major lui frappa sur l’épaule et lui dit en soupirant :

– Ah ! nous sommes vieux… Il est temps de nous reposer !

Sorti de la chambre du zemstvo, André Efîmytch comprit qu’il venait de comparaître devant une commission chargée de rendre compte de ses facultés mentales. Il se rappela les questions qu’on lui avait faites, devint tout rouge, et se mit soudain, pour la première fois de sa vie, à prendre en pitié, amèrement, la médecine.

« Mon Dieu ! songea-t-il, eux qui ont étudié si récemment la psychiatrie, qui ont passé des examens… d’où leur vient une ignorance si grossière ? Ils n’ont pas la moindre idée de la psychiatrie ! »

Et pour la première fois de sa vie, il se sentit offensé et en colère.

Le soir de ce même jour, Michel Avériânytch vint le voir. Sans lui dire bonjour, il lui prit les deux mains, et lui dit d’une voix émue :

– Mon ami, mon cher ami, donnez-moi la