Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/88

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Toute la nuit, il ne put dormir, de honte et d’ennui. Le matin, à dix heures, il se rendit au bureau de poste et s’excusa auprès de Michel Avériânytch.

– Nous oublierons ce qui s’est passé, lui dit Michel Avériânytch, ému, lui serrant la main fortement. « Qui garde rancune, arrachez-lui un œil ! [1] » Lioubâvkine ! cria-t-il tout d’un coup si fort que le public et tous les employés tressaillirent, donnez une chaise ! – Toi, attends ! cria-t-il à une femme qui lui tendait par le guichet une lettre à recommander ; ne vois-tu pas que je suis occupé ?… Nous oublierons le passé, reprit-il doucement, se tournant vers André Efîmytch ; asseyez-vous, mon cher, je vous en prie…

Une minute, en silence, il se passa les mains sur les genoux, et dit enfin :

– Je n’avais pas la pensée de m’offenser de votre procédé. Le mal n’est pas notre ami, nous savons cela… Votre accès nous a effrayés hier soir, le docteur et moi, et nous avons ensuite parlé de vous longuement. Mon cher, pourquoi ne voulez-vous pas vous occuper soigneusement de votre maladie ? Est-ce que cela peut durer ainsi ? Excusez la franchise d’un ami, vous vivez dans les conditions les plus défavorables. C’est étroit, sale, chez vous ; vous manquez de soins ; vous n’avez pas de

  1. Proverbe.