Page:Tcheng Kitong - Le Theatre des Chinois, 1e ed. Calmann Levy, 1886.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LE FINANCIER, à son commis.

La nuit commence à tomber. Hing-Tsien, quel est donc cet homme qui chante continuellement ? C’est merveille de l’entendre. Il faut prendre part à la joie (les autres ; appelez cet homme, je veux l’interroger.

LE COMMIS, au meunier.

Holà ! Lo-Ho, sortez donc ; on vous demande.

LE MEUNIER, sortant.

Père, que voulez-vous ?

LE FINANCIER.

Mon ami, vous chantiez tout à l’heure ; vous êtes heureux. D’où vient donc cette joie intérieure que vous ressentez ? Parlez, cela m’intéresse.

LE MEUNIER.

Oh ! de la joie ! qui est-ce qui peut me donner de la joie ? J’ai bien de la peine, au contraire. Voyez plutôt : je gagne deux fen par jour, c’est le salaire que vous me donnez. Or, pour gagner deux fen, il faut que je me lève avec le jour, que je commence par mesurer mon froment ; quand j’ai mesuré mon froment, il faut que je le passe au crible ; quand je l’ai passé au crible, il faut que je le lave ; quand je l’ai lavé, il faut que je le fasse sécher au soleil ; quand mon froment est sec, il faut que je le moule ; quand je l’ai moulu, il faut que je le blute. Maintenant, entendez bien, comme je travaille à la tâche, j’ai toujours peur de m’endormir et de perdre mon salaire. Voilà pourquoi je chante du matin au soir.