Page:Tcheng Kitong - Le Theatre des Chinois, 1e ed. Calmann Levy, 1886.djvu/335

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guide, c’est à peu près se lancer sans armes dans une mêlée de combattants. En réalité, l’âme confiante est entachée d’infériorité ; elle croit posséder une vertu, elle n’a qu’un défaut. Elle ira grossir le nombre des naïfs qui se pressent sur tous les chemins de la vie, et fera partie de ce bon public si utile à quelques-uns. La confiance forme les dupes ; d’un bout du monde à l’autre, c’est elle qui règne, qui rend des décrets ; c’est elle qui inspire la sagesse humaine ; c’est elle qui prépare les préceptes les plus répandus de l’éducation où tout s’enseigne, excepté cette méthode d’élévation qui fournit plus au caractère qu’à l’esprit ; c’est elle qui a inventé l’eau bénite de cour, les remises au lendemain et les trompeuses amorces de l’incertitude qui se donne des airs d’évidence ; c’est elle enfin qui accepte tout ce qu’on lui offre comme argent comptant, sans plus se soucier de ce qui est vrai que de ce qui est faux. La confiance ! mais c’est le préjugé de l’humanité ! Le crime d’Ève, si décriée et si coupable, est d’avoir eu confiance dans la parole