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qui ne s’accorde guère avec la prétendue loi. Tout au contraire.

Ni le nombre des « potentats » du capital, ni celui des petits capitalistes n’a diminué. Le nombre des derniers a augmenté beaucoup plus vite que celui des premiers. Tandis que chez les riches nous trouvons un accroissement de 30 0/0, chez la petite bourgeoisie l’accroissement est de 77 0/0. Cela veut dire que pendant que les endormeurs bernaient le peuple en lui chantant que le nombre de ces exploiteurs diminuait, en réalité ce nombre augmentait si bien qu’il a triplé de 1850 à nos jours. On s’est trompé, alors, sur l’effet de cette loi de la métaphysique allemande ? cette loi « d’expropriation du grand nombre des capitalistes par le petit ? » Comment s’est-il fait qu’une loi qui agit « avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature » se manifeste dans la vie réelle par des résultats tout contraires à ses prescriptions ?

Mais tout simplement parce que jamais une loi pareille n’exista ! L’erreur provient de l’influence néfaste exercée par la métaphysique hégélienne avec l’aide de la méthode dialectique patronisée par Marx et Engels. Et cette influence a pénétré aussi bien en morale et en art que dans le socialisme.

Et dire que, pendant quarante ans, on a répété aux ouvriers du monde civilisé ce néo-fatalisme métaphysique aussi beau que celui des musulmans !… Non seulement les ambitieux ignorants composant le parti marxiste français ainsi que la nouvelle couche d’aristocratie européenne, connue sous le nom de « députés socialistes », mais encore des hommes de grande valeur et de grand courage, de large instruction et de haut talent, répètent la même erreur…

Si seulement on savait quel tort cette loi fataliste porta au socialisme moderne ! C’est grâce à elle que dans le « Manifeste du parti communiste » Marx et Engels formulèrent que l’émancipation de la classe ouvrière doit se faire par une lutte de classes et que la lutte des classes est toujours une lutte politique ; c’est elle qui fait la base de la tactique social-démocratique ; c’est à elle que nous sommes redevables du