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VII

Le rôle de l’État dans l’économie sociale

Si la loi de la concentration capitaliste détourna beaucoup de socialistes de la lutte économique et poussa les masses exclusivement vers l’agitation électorale, ce fut un mal, mais un mal partiel. En Allemagne, par exemple, où le parti social-démocrate se vante d’un succès inouï, les conditions du travail sont très inférieures, non seulement à celles de l’Angleterre, où la masse lutte toujours sur le terrain économique, mais à celles de la France[1]. Et pourtant le mal reste partiel, car la majorité des travailleurs, instinctivement, s’en tient à la lutte économique par les grèves. Mais si nous assistons de nos jours à un développement néfaste de la toute-puissance de l’État qui centralise tout, paralyse les forces productives et la vie intellectuelle, enchaîne la population européenne et dévore les peuples par ses millions de fonctionnaires et ses armées permanentes, et si surtout la masse populaire se soumet au despotisme de n’importe quelle autorité, la responsabilité en incombe en grande partie à l’école social-métaphysico-autoritaire et démocratique allemande.

Avant que la doctrine social-démocratique ne prît un développement important, tous les esprits indépendants, tant dans la bourgeoisie que dans le peuple, tâchaient d’amoindrir l’influence de l’État dans la vie sociale, de réduire le nombre de ses fonctionnaires et d’alléger sa responsabilité financière. Sous l’influence de la révolution dans l’Amérique du Nord et de la fondation des États-Unis, les idées d’autonomie et de fédéralisme commencèrent à gagner les sympathies des masses. Les libéraux-politiciens aussi bien que

  1. Il serait intéressant de comparer les résultats du mouvement socialiste (ou plutôt ouvrier) dans les différents pays. Le camarade qui voudra faire un travail là-dessus trouvera des renseignements remarquables dans les Blue-Books (livres bleus) de 1893 et dans les rapports consulaires.