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les socialistes avant 1848 étaient tous partisans de la pleine autonomie des groupes productifs. Louis Blanc, lui-même, cet admirateur des Jacobins de la Convention et de leur devise : « République une et indivisible », reconnaît dans son projet d’ « organisation du travail », au sujet des « ateliers nationaux », que « le crédit aux pauvres étant organisé, l’État n’aurait plus aucun droit de s’immiscer dans la vie autonome des associations ». Mais la social-démocratie s’étant mise à prêcher qu’il faut laisser l’État tout absorber, tout centraliser, et qu’un beau jour, au lieu des Hohenzollern et de Bismarck, ce seront des Liebknecht, des Engels et des Bebel qui, appuyés sur l’armée du travail[1], nous organiseront un paradis terrestre, toute idée d’autonomie est tournée en ridicule, le fédéralisme fut poursuivi dans l’internationale, et Liebknecht déclara avec un orgueil bien risible : « Je suis l’adversaire de toute république fédérative[2]. »

Nous connaissons déjà suffisamment leur théorie fondamentale en économie. Voyons un peu si leur amour pour l’État est mieux justifié que leur fatalisme économique. Dans l’analyse qui suit, je me bornerai exclusivement à la France, avec son État centralisé et tout-puissant.

Tout le monde sait que chaque événement de la vie sociale et organique est accompagné d’une dépense de force. Si les dépenses d’une entreprise en surpassent les profits, les hommes de bon sens l’abandonnent. Il en est de même dans la vie sociale : une institution nuisible finit toujours par être rejetée. Du temps de nos pères, quand la métaphysique allemande avec ses lois et ses hypothèses fantaisistes n’avait pas encore

  1. Il paraît que ces messieurs se proposent sérieusement pour le commandement de l’armée du travail. Bebel assistait au dernier congrès des social-démocrates à Vienne, non comme un simple délégué, mais comme un général, une tête couronnée, venant faire une revue, selon ses propres expressions.
  2. dass Ich Gegener jeder Fœderativ-Republick bin. Volksstaat, March 1872, p. 2 (Mémoire de la Fédération jurassienne p. 284.