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tion est seulement un facteur, ou plutôt un élément parmi beaucoup d’autres qui servent aux généralisations évolutionnistes, connues sous le nom des doctrines matérialistes. La partie ne peut contenir le tout ; l’économisme ne constitue pas la doctrine matérialiste. Nous connaissons beaucoup d’auteurs qui admettaient l’influence des conditions et des relations économiques sur le développement de l’humanité, et qui, en même temps, étaient non seulement idéalistes et métaphysiciens, mais déistes accomplis, chrétiens fervents. Voici Guizot, qui traçait l’histoire de l’antagonisme des classes en Angleterre au dix-septième siècle et qui était bigot comme un trappiste. Voici Niebuhr, le grand fondateur de l’école historique allemande, dont Mommsen est un des plus brillants représentants. Niebuhr, encore au commencement de ce siècle, déclara que la légende de Tite-Live sur l’origine de Rome doit être rejetée et qu’il faut étudier l’histoire d’après les conditions et les institutions économiques et sociales du peuple romain. De là datent les études classiques sur la législation agraire de Licinius Stolon et des Gracchus ; de là les recherches minutieuses de Mommsen… Mais Niebuhr, Mommsen et toute l’école allemande étaient bien loin du matérialisme…

Même, si nous remontons jusqu’au premier historien qui ait indiqué l’influence des conditions cosmiques et économiques sur le progrès et le développement de l’humanité, si nous allons consulter Vico (1668-1744) et son traducteur français Michelet, qui à son tour, dans ses recherches sur l’origine du droit français, insistait sur l’état économique de la nation, nous trouvons qu’ils ne font aucune mention du matérialisme. Adam Smith, autre homme de génie, fondateur de l’économie politique, celui qui donna en 1776 les deux formules fondamentales : a) le travail est la seule source de la richesse sociale, b) et l’augmentation des richesses dépend des conditions économiques et sociales du travail et du rapport entre le nombre des producteurs et celui des non-producteurs, — eh bien, ce modeste philosophe n’a jamais prétendu au matérialisme. — Un autre économiste, A. Blanqui,