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et Cie. Ce digne homme déclare encore dans le même rapport :

« Nous (Plekhanoff et consorts) pouvons nous féliciter maintenant d’avoir déblayé le terrain pour le socialisme scientifique. » (Rapport, page 4.) Non, ce ne fut pas Plekhanoff qui « déblaya le terrain » de toutes les fractions révolutionnaires en Russie. Si ce déblaiement du terrain eut vraiment lieu — ce qui n’est pas prouvé, — la gloire tout entière en revient au grand fétiche des patriotes français, à Alexandre III, à ses ministres pendeurs, à ses mouchards innombrables… Je crois même que le rapporteur eut tort de triompher sitôt : d’après les articles nombreux publiés dans les journaux et les revues russes, d’après les sifflets que la jeunesse russe octroya à Plekhanoff lui-même, quand cette jeunesse honnête et généreuse connut le contenu de son rapport, — il semble, en somme, que, dans la Russie proprement dite, le terrain n’est pas déblayé pour le « socialisme scientifique » et que le monde socialiste russe a plus d’estime pour les « utopistes » comme Tchernychevsky et ses disciples… que pour Engels et Plekhanoff.



Faut-il blâmer le monde socialiste russe de cette préférence ? Selon la définition des social-démocrates, chaque socialiste convaincu, tout ami éclairé de l’humanité peut revendiquer hautement le titre d’utopiste accompli. Dans une brochure : Anarchism and Socialism, chaleureusement recommandée par Mme Marx-Aveling, nous lisons en caractères italiques : « Utopiste est celui qui s’appuie sur un principe abstrait, dans la recherche d’une organisation sociale parfaite[1] »

Lisez attentivement cette phrase et vous y découvrirez que les utopistes sont des hommes de principes et qu’ils veulent réorganiser la société actuelle, basée

  1. The utopian is one who, starting from an abstract principle, secks for a perfect social organisation (page 4).