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Page:Tcherpakoff - Les Fous littéraires, 1883.djvu/13

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rium qui s’impose à un assez grand nombre de personnes. On pourra m’objecter que ces personnes sont aussi folles que les écrivains qui les subjuguent par leurs écrits, et que les gens raisonnables ne s’y laissent pas prendre. À cela, je renverrai pour toute réponse à la définition, qu’on donnait en France, sous la restauration, entre les honnêtes gens et les gens honnêtes, et je dirai qu’il y a bien des distinctions à faire entre les personnes qu’on qualifie de raisonnables. Qu’on me permette de raconter à l’appui de mon opinion, un fait dont je fus témoin à Moscou, vers 1849 — 1850. J’étais dans une librairie étrangère tenue par un français, librairie qui n’a eu qu’une existence éphémère ; il s’y trouvait au moment où j’arrivai, deux étrangers qui causaient avec le maître de la maison. Quelques minutes après, entrait un grand monsieur que je sus depuis être un prince Ga…in ; nous nous éloignâmes, laissant le libraire à sa pratique. Le prince demanda au libraire de lui donner « le Destin de la France, de l’Allemagne et de la Russie, comme prolégomènes du Messianisme » (Paris, 1842, gr. in 8) et les autres ouvrages plus nouveaux d’Hoëné Wronski. Sur la réponse du libraire que son magasin ne contenait absolument rien concernant le messianisme, le prince se récria, disant qu’il ne comprenait pas comment les écrits mathématiques d’un homme destiné à renouveler toute la politique de l’Europe, ne se trouvaient pas au premier rang